4 novembre 2017

LUNDIMATIN PAPIER #1 - Septembre 2016/Juillet 2017

Dans la « bataille culturelle » actuelle, le site d’information Lundimatin occupe certainement une place importante. En parcourant ce choix d’articles publiés sur papier, notamment les compte-rendus de manifestations, ressort un goût prononcé pour l’émeute, prélude à l’insurrection. La jonction entre l’expression des colères des jeunes des quartiers populaires et du cortège de tête est observée avec bienveillance.
En France désormais « pour toutes les formations politiques, il semble plus grave de brûler des voitures que de laisser brûler des enfants dans un transformateur EDF. » La police expérimente dans les quartiers ses techniques de répression qu’elle applique ensuite pour réprimer les mouvements sociaux. La BAC notamment, directement inspirée par les BAV envoyée dans les bidonvilles dans les années 50-60, « porte une dimension raciste en contrôlant une partie spécifique de la population catégorisée racialement et socialement, parce qu’issue de l’immigration post-coloniale. »


L’acharnement de l’anti-terrorisme contre le chercheur Adlène Hicheur est incompréhensible. Il raconte comment, assigné à résidence, il est dans l'obligation de pointer au commissariat trois fois par jour, suite à une déportation manu militari depuis le Brésil où il travaillait depuis trois ans, après une condamnation en France en conclusion d’un procès effarent.


Le 27 août 2016, alors que le PS a annulé son Université d’été prévue à Nantes, un cortège funèbre finit de l’enterrer. L’oraison revient sur sa longue agonie : « Il était saisi de délires sur la déchéance de nationalité et vomissait tour à tour état d’urgence et lois antisociales » et sur les moments clefs de son existence, « tiraillé par des troubles schizophréniques aigus, écartelé entre ses idéaux révolutionnaires de jeunesse et un réalisme gouvernemental de petit épicier. »


La discussion à bâtons rompus autour du film de Bertrand Bonello, Nocturama, est riche de réflexions, même sans avoir vu ce film.
« Devant le manque de proposition, il faut créer une vraie menace. Créer un groupe d’intervention (…) Seule l’idée de la guerre civile peut être maintenant raisonnable. Et cette guerre se fera avec les armes du possibles. Nous utiliserons les mots d’une manière radicale. Nous avons décidé de rester imprenables. Plus de grèves, plus de manifestations, plus de contre-propositions, mais plus d’acceptations non plus. Seulement le silence comme ultime contestation. » « L’idéologie, ça sert juste à se rassurer et à se raconter que nous au moins, on n’est pas des paumés. »


L’analyse de l’élection de Donald Trump comme fin du « mensonge efficace », mise à nue de la vérité de la politique, de la manipulation, du faux-semblant, du coup d’État permanent, est plutôt pertinante. Cette victoire est « la revanche des vaincus de la guerre civile américaine des années 1860 », un signal de vengeance, un « blanc-seing donné à la police pour assassiner autant de Noirs et de gauchistes qu’elle l’entend », le commencement d’une « fragmentation infinie du territoire nationale, une fin des États-Unis d’Amérique, où à la multiplication des milices répondrait enfin la multiplication des communes. »


Serge Quadruppani, dans les manifestations de Bobigny suite au viol du jeune Théo par la police, observe « l’alliance de ceux qui parfois s’exposent à l’arbitraire policier par l’affirmation d’un désaccord radical avec ce que défend la police, et d’autres qui sont exposés aux exactions policières de naissance. » Tandis que le Parti Imaginaire (tendance Bobigny)  dénonce « les pitres du PCF, de la « France insoumise », des Verts et du Parti socialiste qui « jouent l’apaisement », « condamnent les violences », « appellent à la responsabilité » et entendent « faire renaître l’espoir » sont en vérité ceux qui organisent notre désarmement. Ils sont les grands irresponsables. Ils nous veulent inorganisés pour nous mener à l’isoloir comme on mène le troupeau à l’abattoir. Ils nous veulent sans stratégie pour pouvoir se livrer à leurs intrigues de palais. Ils nous veulent plein d’espoir car nul n’a jamais agi par espoir, et que notre passivité est leur fonds de commerce. (…) Il faut soutenir l’émeute. Car la bande émeutière est une première esquisse d’auto-organisation, une reprise de confiance en soi et dans les autres. »


Pari est fait qu’Emmanuel Macron ne tiendra pas deux ans, « en marche » vers la chute. Nous verrons. Son cœur battant, la « classe nuisible », est étudié par Frédéric Lordon.


On trouve aussi une discussion avec Mytille Gonzalbo dont nous avons rendu compte de l’ouvrage : LES CHEMINS DU COMMUNISME LIBERTAIRE EN ESPAGNE – 1868-1937



Mais les pages les plus intéressantes sont certainement celles consacrées à l’entretien avec Arthur Quesnay, qui raconte la naissance de la résistance syrienne en réseaux multicommunautaires, anonymes, « révolution acéphale ». Face à la répression brutale, à une absence totale d’espace d’expression même contenu, à un contrôle total, une solidarité inédite s’est organisée, un basculement social complet dans l’insurrection, investissant des espaces et dont le démantèlement par le pouvoir n’est possible qu’en rasant littéralement la zone.


La lecture sur internet est parfois incomplète et on ne remonte que très rarement les archives des sites. Saluons donc cette proposition de lire ou relire tranquillement ces articles dont la portée dépasse le cadre de l’immédiateté.






LUNDIMATIN PAPIER #1
Septembre 2016/Juillet 2017
252 pages – 14 euros
Éditions Lundimatin – Rouen – Septembre 2017
https://lundi.am/

Sommaire complet :
https://lundi.am/Soutenir-lundimatin-Se-procurer-lundimatin-papier
Sommaire

— Qui veut la peau d’Adlène Hicheur ? ou la vengeance sans fin de l’antiterrorisme
— Oraison funèbre du Parti socialiste
— Nocturama : la lutte armée OKLM

Intermède 1
- Il n’y aura pas d’élection présidentielle
- Plan pour l’évacuation du gouvernement
- Politique et métaphysique de l’attentat pâtissier en milieu spectaculaire-marchand

— Faire des gâteaux avec Nathalie Quintane
— Lettre à nos cousins d’Amérique
— Eurythmics et le communisme, par Marcello Tarì
— Les Sioux s’organisent contre la fracturation hydraulique, par Robert Hurley
— Rejoindre le Rojava

Intermède 2
- « Nos quartiers ne sont pas des déserts politiques », avec Samir du Mouvement de l’immigration et des banlieues
- Émeutes : « Il y a un “ langage des actes ”, à nous de l’entendre », avec l’anthropologue Alain Bertho
- « Les quartiers populaires ont toujours été, et continuent d’être, le laboratoire où on expérimente les outils de contrôle social », avec le rappeur Skalpel

— Bobigny’s burning, par Serge Quadruppani
— Les vies dignes d’être pleurées, par Marion Sénat
— Soutenir l’émeute

Intermède 3
- 1er mai : jour de fête à Paris
- Que s’est-il réellement passé ce 1er mai 2017 ?
- Sacrés cocktails ! Histoire de M. Molotov

— Félicitations Emmanuel Macron !
— Quelques pas dehors, par Alain Damasio
— Situation, par Frédéric Lordon
— Cinq nuances de despotisme économique, par Jacques Fradin

Intermède 4
- Sur le nouveau gouvernement, par Nathalie Quintane
- Comme une variation de l’émeute : prendre soin, par Josep Rafanell I Orra
- Performances, par Eric Hazan

— Syndicats et communes en Espagne à la veille du soulèvement de 1936,
avec Myrtille Gonzalbo
— Le CLAP : les livreurs à vélo contre-attaquent
— Comment manifester est devenu un délit, par notre juriste

Intermède 5
- Pédés plutôt que français
- Pinkwashing à Tel Aviv, avec Jean Stern
- Pour un communisme gay, avec Massimo Prearo

— Marion Sigaut : grandeur et décadence d’une VRP d’Alain Soral
— En Route ! La révolution syrienne est une
révolution acéphale, avec Arthur Quesnay



Voir aussi :

 


 



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