Ce processus est irréversible et le travail « humain » indispensable est délocalisé vers les pays aux bas salaires ou des immigrés sous-payés sont importés pour l’assurer. L’officielle « lutte contre le chômage », masque en vérité une lutte contre les chômeurs, en trafiquant les statistiques et multipliant les contrôles tracassiers. Les travailleurs doivent s’estimer heureux de ne pas être au chômage et les chômeurs, malheureux parce qu’ils n’ont pas de travail. « Le Chômeur heureux se rit d’un tel chantage. » Il revendique sa condition : « Je viens d’être licencié, super ! », « Enfin je vais pouvoir faire la fête tous les soirs, bouffer autre chose que du micro-onde, câliner sans limites. »
« Lorsque l’éthique du travail s’est perdue, la peur du chômage reste le meilleur fouet pour augmenter la servilité. » Quand le sentiment d’être utile à la communauté a disparu de 95% des jobs, le seul rapport du travailleur à son travail reste son salaire. Puisque les chômeurs créent plus de profits de leurs ex-collègues, l’annonce de leurs licenciements faisant grimper les actions, il serait logique de les récompenser « pour leur contribution sans égale à la croissance ». Le chômeur n’est pas malheureux parce qu’il n’a pas de travail mais parce qu’il n’a pas d’argent. Les contribuables et les entreprises consacrent un argent considérable « au chômage », c’est-à-dire pour le contrôle chicanier des chômeurs, afin de faire baisser artificiellement le taux de chômage et donc de « maintenir l’apparence d’une chimère économique ». Les auteurs ouvrent un vaste champ expérimental : « la recherche de ressources obscures ». Ils proposent de supprimer toutes les mesures de contrôle, de fermer les officines de flicage, de manipulation et de propagande, ce qui permettrait d’augmenter les allocations versées des sommes épargnées. Un financement pourrait aussi venir du privé, avec l’adoption d’ « une taxe sur les revenus du capital ou du racket ».
Mais les chômeurs disposent d’une chose inestimable : du temps, avec « la possibilité de mener une vie pleine de sens, de joie et de raison ». Il ne s’agit pourtant pas de partager le temps de travail, de le réduire pour augmenter le « temps libre ».
« La critique sociale la plus acerbe ne peut être d’un grand secours tant que sa conclusion pratique se limite à un wait and see. » L’Afrique et les autres cultures non occidentales seront certainement « une source d’inspiration rafraichissante », sans pour autant chercher à copier l’original. Ces pays méprisent « le travail de l’homme blanc », « parce qu’il ne finit jamais ». « L’aptitude des gens à la fête est inversement proportionnelle au produit national brut par tête ».
Contribution essentielle (et stimulante) à la critique du travail et notamment de l'absurdité qui régit le marché du travail.
MANIFESTE DES CHÔMEURS HEUREUX
Collectif
Préface de Guillaume Paoli
72 pages – 7 euros
Éditions Libertalia – Montreuil – Avril 2013
http://www.editionslibertalia.com/
Voir aussi :
Votre article m'a incité à demander ma retraite avec décote. Travailler, plus jamais!
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