17 février 2025

LA MAISON DE TAMAM

La maison de Taman se situe à Marseille, dans une impasse qui abrita longtemps des réfugiés arméniens, originaire de Tomarza, en Anatolie, survivants du génocide. Jean-Luc Sahagian la connait depuis son plus jeune âge : Taman est sa grand-mère. Longtemps, il passa chez elle au moins un mois en famille chaque été. Menacée par l'extension urbaine, il tente de la sauver de l’oubli avec ce récit qui mêle souvenirs personnels et témoignages collectés.

« La Traverse du Four à chaux est avant tout l’expression d’un refuge, l’aboutissement d’une quête, le dernier chapitre d’un récit qui débuta de manière tragique. » Lorsqu’il y retourne, la maison est toujours là. Il décide alors de s’en occuper, pour « permettre aux traces de subsister », et commence à recueillir la parole de ceux qu’il intrigue et qui l’interrogent, avant qu’un chantier ne finisse par tout emporter.

Les souvenirs enfouis remontent : les départs forcés, les périples et l’arrivée à Marseille. « Personne ne faisait attention à moi, je n’étais plus Arménien, un chien de chrétien, juste un homme qui se baladait comme n’importe quel homme sur le Vieux port », se rappelle Azad. « Puis quand je suis entré à l’usine, la première fois qu'on m'a appelé “camarade“, quel beau mot que camarade, quel mot plein d'espoir, de bonté, d'hospitalité. Je me le suis répété tant de fois, seul dans ma chambre, camarade, non plus l'Arménien, le chrétien, le musulman mais camarade. C'est ce mot-là qui m'a sauvé, ce mot et ceux qui le portaient, et j'ai bientôt fait partie de cette communauté des camarades. »

Taman, encore enfant, se réfugie d’abord près d’Alep, où meurt sa mère. Un médecin turc la recueille dans sa famille. Elle s’enfuit avant d’oublier complètement sa langue et retrouve son père, échappe au massacre à Izmir, en montant sur un bateau grec. Veuve à 18 ans, d’un autre orphelin, victime d’un accident à la mine, qui la laisse avec leur petite fille, elle suit en France la famille de sa tante. Le voyage a duré quinze ans.

Le narrateur complète ces récits par des recherches historiques pour fournir un contexte historique que l’enfant d’alors n’avait pu saisir. Ainsi, la fuite à dos d’âne vers Alep était une déportation à laquelle sa grand-mère a survécu.


Jean-Luc Sahagian clôt son « mémorial de papier » par un « kaddish », ultime fragment d’un recueil de récits touchants et pudiques. Car de tout ceci, il ne reste que ses mots, réminiscence d’un monde disparu, minuscule, ramassé autour d’un allée, cette Traverse du Four à chaux, elle-même ultime réceptacle de destinées échappées à l’oubli.


Ernest London

Le bibliothécaire-armurier



LA MAISON DE TAMAM

L’Arménie à Marseille

Jean-Luc Sahagian

176 pages – 16 euros

Éditions La Bibliothèque – Collection « L’écrivain voyageur » – Les Lilas – Janvier 2025

www.editionslabibliotheque.fr/product-page/la-maison-de-tamam-l-arm%C3%A9nie-%C3%A0-marseille-de-jean-luc-sahagian



Du même auteur : 

L’ÉBLOUISSEMENT DE LA RÉVOLTE - Récit d’une Arménie en révolution

et contribution à BANDITS ET BRIGANDS



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