Il y a tout juste dix ans, mourrait Georges
Guingouin. Après les dernières biographies et le roman paru l’an dernier, la
publication de cet album destiné au jeune public (mais parfaitement accessible
aux adultes) est une preuve supplémentaire de son retour dans le récit
national, après une longue période de purgatoire. Georges Guingouin aurait
d’ailleurs également pu entrer lui aussi au Panthéon au printemps dernier, si
le gouvernement avait voulu adjoindre un résistant communiste à Germaine
Tillion, Jean Zay, Geneviève de Gaulle et Pierre Brossolette.
Né en 1913, Georges Guingouin est instituteur,
militant communiste et secrétaire de mairie lorsque Pétain signe la reddition
des troupes françaises. Immédiatement et sans hésiter, il organise les
activités de propagande autour des sections locales du parti communiste
interdit et rédige dès août 1940 un « Appel à la lutte ». Dénoncé, il
rejoint la clandestinité et organise la résistance. Son maquis sabotera les
convois du S.T.O., les usines stratégiques et les réquisitions de récolte pour
ravitailler l’armée allemande, punira les collaborateurs et les profiteurs de
guerre. Après le débarquement allié en Normandie, il organisera l’enlèvement du
Strumbannführer de la division Das Reich (responsable des massacres de Tulle,
d’Argenton-sur-Creuse, d’Oradour-sur-Glane…) et, à la tête de 6 000 hommes, livrera
une bataille rangée contre la brigade Von Jesser venu réduire la Résistance. Il
désobéira aux ordres de libérer Limoges, craignant un nouveau massacre. Élu
maire de Limoges à la fin de la guerre, il sera exclu du parti communiste. Alors
qu’il reprend son métier d’instituteur, une violente campagne de presse sera
déclenchée contre lui et ses compagnons. Arrêté, passé à tabac en prison il
obtiendra, au terme d’un procès équitable, un non lieu.
Georges Guingouin est de ces hommes intègres
qu’aucune circonstance n’ébranlera jamais dans leurs fondements moraux, ni
leurs convictions.
Ce moment d’histoire est développé dans la partie
documentaire en fin d’album abondamment enrichie de documents d’époque. La
partie fiction, elle, s’appuie sur une quinzaine de récits, imaginés, de
témoins, compagnons, voisins, anonymes, rapportant chacun un épisode de la vie
de Georges Guingouin pendant la guerre. Cette polyphonie donne une vision
sensible des enjeux, du climat. Une gravure pleine page, inspirée de
l’iconographie de propagande de l’époque répond à chacun de ces textes. Yann
Fastier, auteur-illustrateur inclassable, iconoclaste et talentueux, habité par
son sujet, a réussi un travail admirable, s’adressant autant à l’intelligence
de ses lecteurs qu’à leur sensibilité.
L’édition jeunesse se risque peu, habituellement à
explorer aussi loin des sentiers archi-battus. Il faut saluer cette publication
remarquable. N’est-il pas en effet quelque peu paradoxal de proposer
aujourd’hui encore, des monographies de Napoléon, de César, de Louis XIV ou de
Jeanne d’Arc en lecture aux jeunes générations. La vie de Guingouin, en phase
avec des problématiques très actuelles, sera certainement plus prompte à
éveiller les consciences.
À lire, à conseiller, à offrir.
GUINGOUIN : UN CHEF DU MAQUIS
Yann Fastier
44 pages – 16 euros.
Éditions de l’Atelier du poisson soluble – Le
Puy-en-Velay – septembre 2015
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