Fabrice Nicolino dresse le portrait d’une
agriculture productiviste pollueuse, destructrice d’emploi et incapable de
nourrir l’humanité. Il remonte aux origines de cette dérive, rapporte des
évènements clefs qui permettent de comprendre comment on en est arrivé là.
Il revient sur la guerre de 14-18 qui vit mourir un
quart des paysans français, entre 700 000 et un millions de ce que les
statistiques appelaient les « actifs » agricoles ». Plus 300 000
gravement mutilés.
La guerre nourrit l’industrie. Elle aura permis à
Renault de se devenir le premier groupe industriel, grâce à sa production de
camions militaires, d’ambulances, de camions-citernes, de camions pompiers et
de chars Renault FT ! Il se lancera, une fois la paix revenue, dans la
fabrication de tracteur mais les campagnes se montreront longtemps méfiantes
vis-à-vis de l’industrialisation.
En 1917, les américains ont apportés avec eu le
doryphore qui, en 1933, aura envahi 58 départements. La pomme de terre occupe
alors 7% de la surface cultivée, soit 1,5 millions d’hectares. Heureusement, un
chercheur suisse déterre en 1939 les travaux d’un chimiste autrichien qui
découvrit en 1874 la molécule du D.D.T. Ce produit joue un rôle essentiel dans
la construction de la mythologie d’un progrès sans fin par la technique. Ce
n’est que dans les années soixante qu’on saura que c’est aussi un puissant
cancérigène et reprotoxique.
Aux Etats-Unis, les abattoirs de Chicago sont à la
pointe. Dès 1893, y sont abattus la moitié des animaux du pays. Un bœuf toutes
les 8 secondes. Les chaines de désassemblage inspireront à Ford ses chaines de
montage. C’est ainsi qu’une industrie productiviste pourra être décuplée en
1941, lors de l’entrée en guerre des Etats-Unis. Et le plan Marshall viendra
fournir des débouchés à cette « machine de guerre » reconvertie. Les
prêts étaient conditionnés à des achats made
in USA.
Dans l’immédiate après guerre, une autre voie était
encore possible, un autre choix. Fabrice Nicolino raconte sa rencontre avec ce
paysan qui, dans les années 50, refusa d’agrandir son exploitation mais
parvenait au même rendement sur ses 8 hectares que ses voisins sur 25,
fertilisant ses prairies en y plantant du trèfle blanc, sans recours aux
engrais azotés.
Pourtant, sous la pression des industriels, mais
aussi d’un aveuglement politique obnubilé par une certaine vision du progrès,
tout concoure à augmenter la productivité et le rendement.
Les recherches de l’I.N.R.A. sont orientées vers les
sélections génétiques. Le remembrement va détruire, pour la seule Bretagne, 280
000 km de haies et de talus boisés entre 1950 et 1985. La conséquence immédiate
de ces choix sera la disparition des paysans. De 10 millions en 1945, ils ne
sont plus que 500 000.
La puissante F.N.S.E.A est à l’origine de toutes les
reformes concernant les paysans. Complice, il n’y a pas de syndicat plus
attaché à la mort de ses mandants !
Au niveau mondial, la même logique mortifère règne. La
F.A.O. créée pour éradiquer la faim, ni plus ni moins, n’aura jamais d’autre
but que d’accompagner l’industrialisation de l’agriculture au service des
transnationales du secteur.
La faim ne régresse pas. Elle augmente.
Des lois inspirées par les lobbies marchands permettent
la mainmise des entreprises sur les semences. Le profit, encore et toujours, au
nom du progrès !
Ce texte synthétique permet de mieux comprendre l’implacable
logique des politiques agricoles. Il dénonce les puissances qui gouvernent et
dictent leurs lois, au nom de leurs seuls profits.
Pourtant, Fabrice Nicolino ne désespère pas. Il
revendique un autre possible. Il donne l’exemple de l’agroécologie qui pourrait doubler la production
alimentaire en dix ans !
LETTRE À UN PAYSAN SUR LE
VASTE MERDIER QU’EST
DEVENUE L’AGRICULTURE.
Fabrice Nicolino.
Les échappés - Paris - janvier 2015
128 pages – 13,90 euros
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