7 septembre 2018

1973

Après 42 années d’usine et quelques livres écrits à propos de son travail, Jean-Pierre Levaray revient sur ses premiers mois de sa « carrière de prolo » et ceux qui l’ont précédés, en cette année 1973 où il obtient le BEP « conducteur d’appareil dans l’industrie chimique », milite déjà et manifeste dans l’attente du Grand Soir.

Il porte un regard critique (avec le recul en tout cas) sur les autres élèves qui l’appellent El Gaucho, en rapport avec ses opinions politiques et dont il ne partage pas leurs goûts pour le foot, la moto, les bagnoles, sur ses profs dont celui qui « se fait un devoir, une fois par an, d’aller chercher des yeux de boeufs à l’abattoir pour [leur] montrer, produits chimiques à l’appui, que les acides, la soude et autres joyeusetés sont dangereux », sur ses premiers collègues en général peu intéressés par la politique.
Il n’a que douze ans en mai 1968. « Trop jeune pour participer. Pourtant, les images de manifs à la télé, les jeunes qui envoient des cocktails molotov sur les flics dans des nuages de gaz lacrymogène, ça [lui] parle. Pire, ça [le] forme. [S]on engagement politique vient de ces images exaltantes. » Son argent de poche passe dans Charlie Hebdo mais surtout La Cause du peuple.
Sa découverte de l’usine, des ateliers, des rapports hiérarchiques de la production infiniment plus complexe que les exercices scolaires, des roulements sept jours d’affilés, est longuement rapportée, avec la même acuité que pour ses précédents livres- témoignages, Putain d’usine et Après la catastrophe notamment.
Il répète ponctuellement qu’il n’est là que pour un temps. « Ça ne va pas pouvoir durer. Ce n’est pas possible. Je ne vais pas rester toute ma vie à l’usine. La perspective du Grand Soir me permet de supporter le travail, comme le Paradis a permis aux religieux d’accepter leur sort. »
Il milite de groupe en groupe, découvrant avec l’examen d’entré à l’un d’eux qu’il est anarchiste, jusqu’à l’organisation dont il nous présente les trois militantes. Mais l’année 1973 se termine et c’est fort dommage car notre curiosité reste bien sûr éveillée. Ce sera notre seul regret.

Ce retour sur les traces de son passé est un excellent complément des autres titres de Jean-Pierre Levaray qu’il sera sans doute préférable d’avoir lus avant pour mieux savourer celui-ci.





1973
Jean-Pierre LEVARAY
96 pages – 7 euros
Éditions Atelier de création libertaire – Collection « Cahiers libres » – Paris – Mai 2018
http://www.atelierdecreationlibertaire.com/



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