24 mars 2021

UN BESTIAIRE DE BOUQUINISTES

Truculente ethnographie des bouquinistes new-yorkais par l’un de ses membres. Aaron Cometbus, auteur, éditeur de fanzines et marchand de livres d’occasion, rassemble ses souvenirs sur un milieu qui a ses « propres lois ».
« L'entraide est au cœur de la profession de bouquinistes, pas la compétition, ni l'intérêt personnel – chose naturellement facilitée par le fait que chaque bouquiniste possède une spécialité. » Certains ont leurs propres boutiques, d’autres vendent en ligne ou dans la rue, avec leurs bacs à un dollar où se jugent les réputations plus que dans les colonnes des pages littéraires des journaux. Certains sont spécialisés dans les livres de cuisine, pour enfants, d’histoire ou dans les éditions originales. Leurs carrières sont souvent bâties sur le deuil et le secret de la survie de nombreuses librairies est qu’elles sont louées occasionnellement pour des tournages de film ou des photos de mode. Tous ses personnages dont l’auteur nous régale des travers avec toujours beaucoup de respect, de tendresse même, forme une faune sympathique, exubérante et pittoresque, qui aime d’ailleurs se retrouver… au zoo.
Nombre de commentaires, acérés et judicieux, sont de telles pépites qu’il n’est pas possible de les conserver par-devers nous :
« Les bouquinistes ont des vies austères, comme les rabbins ou les prêtres. Aucune fortune, juste la satisfaction de ne pas rendre le monde pire qu’il est. »
« La plus part des sociétés ont une figure patriarcale, mais les bouquinistes de New York n’ont que des patriarches. Pas juste un vieux sage, mais des centaines – et aucun gamin. Même les jeunes se comportent comme de vieux grincheux. Et les femmes ? On ne les trouve nulle part. Les exceptions sont tellement rare qu'elle confirme la règle, et me pousse à écouter de la musique triste, seul dans ma chambre. »

Commencé comme une galerie de portraits, permettant de présenter les codes, les spécificités, les coutumes et traditions du métier, ses mythes et ses astuces, ce récit se structure progressivement en narration dont une histoire d’amour improbable sert de fil conducteur. Et c’est aussi et surtout une longue déclaration d’amour aux livres : « Les livres ne sont pas des denrées périssables qui tournent dans la semaine. C'est de l'art à accrocher aux murs, un rappel d'où vous étiez, un futur vers lequel tendre. »

Ernest London
Le bibliothécaire-armurier




UN BESTIAIRE DE BOUQUINISTES
Aaron Cometbus
Traduit de l’anglais (américain) par Emmanuel Parzy
178 pages – 7 euros
Éditions Tahin Party – Lyon – Août 2020
tahin-party.org/



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