1 juillet 2025

LA NUIT SERA LONGUE

Le 11 février 2023, pendant la manifestations annuelle néonazie le « Jour de l’honneur », commémorant l’offensive allemande et hongroise contre le siège de Budapest par l’armée rouge, en 1945, des militants antifascistes sont arrêtés arbitrairement. En une poignée d’épisodes, initialement parus dans Internationale, Zerocalcare revient sur la répression exercée contre des antifascistes européens par la justice hongroise et suit le procès d’Ilaria Salis, l’une d’entre eux.

Avec beaucoup de pédagogie (et de patience), il démonte un à un tous les arguments qu’on a pu lui rétorquer, notamment sur les réseaux sociaux. Si ces groupuscules « un peu folklo » n’ont guère de succès aux élections, ils n’en demeurent pas moins extrêmement violents et sont réellement très dangereux pour leurs victimes. Leur proximité avec le pouvoir doit également inquiéter.

Sans aucune preuve ni témoins, Ilaria est donc accusée d’avoir participé à une agression contre des néonazis : « coups et blessures ayant mis en danger la vie d’autrui » (alors que les deux agressés n’ont eu « que » 5 et 8 jours d’ITT) et « délit commis dans le cadre d’une organisation criminelle » qui n’existe pas mais n’est qu’une construction judiciaire et médiatique. À cause de ces circonstances aggravantes, elle risque seize ans de prison, et « seulement » onze, si elle accepte de se déclarer coupable.

À ceux qui en appellent « à la responsabilité de ses actes » (tranquillement sur leur canapé ou derrière leur clavier), il pointe le manque de proportionnalité flagrant. Sur la question de la violence et de la non-violence, il émet quelques doutes sur une position éthique que certains voudraient imposer aux autres, y compris à ceux qui se font casser la gueule (et devraient donc se laisser faire !?). Il défend la diversité des modalités d’action et le droit d’en discuter, tous ceux qui ont pris leurs responsabilités (et méritent pour cela le respect, quelque soit la voie) contre ceux qui se contentent de leurs certitudes.


[scan pages 29-30]


Il explique aussi pourquoi il « continue[…] à nous prendre la tête avec cette histoire » : montrer et riposter à la désinformation de masse, au traitement inéquitable, par la presse comme par la Justice, des agressions contre des antifas, à la diffusion de données confidentielles, connues seulement de la police, par des sites néonazis.

Le 28 mars 2024, il assiste à une séance du procès, après avoir été suivi dans la rue toute la journée précédente (par des policiers en civils ?), filmé et intimidé par des néonazis.

Finalement, Ilaria sera (provisoirement ?) relâchée après les élections européennes en juin 2024, ayant été élue au Parlement européen et bénéficiant à ce titre d’une immunité. Comme quoi, les élections servent parfois à quelque chose. ;-)


Avec cet album, Zerocalcare fait preuve d’une belle et grande solidarité. Il n’a pas du oublier beaucoup d’arguments pour sortir de l’ombre (et des feux éphémères de l’actualité) l’histoire d’Ilaria et des autres accusés. Et l’on ressort forcément de cette lecture avec ses mantras en tête : « On ne lâche pas les gens qui finissent en taule. » et : « Les responsabilités sont collectives. Défends toutes celles et ceux qui marchent avec toi. »


Ernest London

Le bibliothécaire-armurier



LA NUIT SERA LONGUE

Zerocalcare

Traduit de l'Italien par Brune Seban

96 pages – 18 euros

Éditions Nada – Montreuil – Avril 2025

en associations avec Momo edizioni

www.nada-editions.fr/produit/la-nuit-sera-longue/



Du même illustrateur : 

KOBANE CALLING




Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire