10 août 2016

MARX, Ô MARX, POURQUOI M’AS-TU ABANDONNÉ ?


Bernard Maris paye sa dette à Marx. Il le relit, le digère et livre un outil de réflexion.

Marx a découvert que derrière les prix il y a du travail. Les économistes libéraux le nie (tout en le sachant pertinemment) et défendent des prix fixés par l’offre et la demande. Ils nient également l’argent.
Avec sa « loi du mouvement naturel de la société » exposée en 1848 dans « Le Manifeste du parti communiste » il explique que le monde se paupérise car à mesure que l’humanité se rend maître de la nature, l’homme devient esclave de ses semblables. La Loi du capitalisme est de ruiner la terre et les hommes.
Le capital-argent des propriétaires ne peut être valorisé que par des travailleurs qui produisent marchandises, machines et aussi de nouveaux futurs travailleurs.
Le capitalisme instaure le règne de la propriété privée d’où naissent l’exploitation, la violence, le conflit et l’aliénation. L’homme ne produit que pour avoir.
Le capitalisme a fait naître une société commerçante, où les hommes ont transféré leurs valeurs vers les objets qu’ils possèdent. Les rapports marchands ont remplacé les rapports humains.
Si la propriété est l’exclusion de l’autre et le mimétisme, l’abolition de la propriété ne suscite que la cupidité. C’est pourquoi le socialisme réel n’a pas réussi à humaniser les besoins. Au contraire la société communiste définie par Marx propose une jouissance collective.
Le capitalisme soumet les hommes à la frustration perpétuelle de nouveaux besoins jamais inassouvis. La publicité fait acheter à celui qui n’en n’a pas les moyen ce dont il n’a pas besoin et la guerre permet de liquider les surplus.

Bernard Maris nous explique ensuite un certain nombre de notions plus ou moins complexes :
-      Le profit est la différence entre le chiffre d’affaires et le coût de production.
-      La plus-value est la différence entre la vente de ce qu’a produit l’ouvrier et ce qui sert à sa vie.
-      Le salaire est la somme permettant aux travailleurs de se perpétuer.
-      Le taux de profit est le rapport entre le profit et le capital.
-      La baisse tendancielle du taux de profit est due à la concurrence et à la surproduction. Elle débouche sur une crise, sur la concentration du capital (darwinisme économique).
-      L’innovation permet d’endiguer cette baisse en créant de nouveaux produits, de nouveaux marchés, de nouvelles méthodes de production, de nouveaux besoins.
L’ouvrier produit plus qu’il ne lui ait nécessaire pour survivre.
L’innovation permet de passer de crise en crise, suivant des cycles réguliers.

Puis Bernard Maris évoque le communisme qui résout la contradiction nécessité/abondance, abolit la division du travail et devait advenir inéluctablement, avec le développement des forces productives, la mondialisation, la paupérisation et la prolétarisation du monde.
Économiquement, tout ce qu’avait prévu Marx s’est réalisé mais le capitalisme n’a pas été détruit naturellement car l’exploitation et la souffrance n’engendrent pas la révolte mais l’asservissement. Le communisme n’est qu’un christianisme athée.

Enfin, après ces efforts pédagogiques, Bernard Maris utilise ces remarquables mais impuissantes théories pour analyser notre mondialisation. La crise qui secoue le monde depuis 2007 est un modèle du genre. Comme prévu par le schéma marxiste, les États prennent en charge les conséquences de la crise boursière. Ils diminuent la dette sociale (services publics, santé, éducation, allocations chômage,…) pour honorer les dettes privées. Le capital financier liquide l’État providence pour récupérer l’argent redistribué aux salariés. Les « forces productives » ont accouché d’une classe moyenne, sur-prolétaire ou sous-capitaliste, qui exploite aussi le travail pour grignoter quelques mois d’espérance de vie. Et le triomphe de la Chine est surtout celui du capitalisme.
Justesse de la théorie mais fausseté de la conclusion : les forces productives n’engendreront pas l’émancipation de l’humanité.

L’exposé est brillant, limpide, agrémenté de commentaires qui facilitent la compréhension. Les capitalistes veulent toujours plus d’argent, nous  explique-t-il, parce qu’ils ne peuvent faire autrement, comme le cycliste sur son vélo, condamner à pédaler pour ne pas tomber. Donc le capitalisme tombera, conclu-t-il.


MARX, Ô MARX, POURQUOI M’AS-TU ABANDONNÉ ?
Bernard Maris
152 pages – 17 euros
Éditions Les échappés – Paris – septembre 2010

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