5 octobre 2016

LA TYRANNIE DE LA COMMUNICATION


L’avènement du numérique sera-il une révolution semblable à l’invention de l’imprimerie par Gutenberg. Ignacio Ramonet observe la mutation en cours, l’évolution des médias depuis l’apparition d’internet et tente de comprendre ce qui se prépare.

 Deux crises, pour lui, sont annonciatrices de ces bouleversements : les emballements médiatiques lors de la mort de Lady Diana puis de l’affaire Clinton-Lewinsky. S’ouvre alors « l’ère de l’information globale » : les barrières entre les rubriques disparaissent et une information domine toutes les autres, sur tous les supports à la fois. La guerre du Golfe de 1991 marque l’apogée de l’information télévisuelle. La presse écrite cherche alors à prendre sa revanche en se tournant vers les révélations (affaires, corruption, vie privée… ). Internet survient alors, accélérant encore la diffusion au détriment des vérifications. Les médias dés lors s’auto-alimentent jusqu’à la nausée. Internet n’est pas un pouvoir éditorial mais un instrument de contagion mimétique. Le journal télévisé devient un spectacle émotionnel de masse en renonçant à l’analyse.

Pourtant la méfiance s’installe après les mises en scène et les manipulations pendant la guerre du Golfe et surtout le vrai/faux charnier de Timișoara en 1989 en Roumanie. Le contrôle des médias n’assure pas toujours le contrôle des esprits. Si la censure autocratique est basée sur la rétention de données, la censure démocratique compte sur la saturation d’informations.

La crédibilité des informations a tout d’abord reposé sur le commentaire qui accompagnait les images des actualités cinématographiques. Puis le journal télévisé hollywoodien a instauré un rapport de confiance avec un présentateur familier qui s’adressait au téléspectateur les yeux dans les yeux. Désormais, avec l’information en continu, c’est la prouesse technologique du direct permanent qui impressionne et se revendique vérité médiatique. Et la répétition remplace la démonstration.
Désormais le citoyen doit être actif dans sa recherche d’informations. Il ne peut plus se contenter du journal télévisé conçu pour divertir et distraire. Les sphères de la culture, de la communication et de la publicité ont fusionné depuis la mondialisation de l’économie et la domination de la finance sur l’économie réelle. L’information n’est plus qu’une marchandise.

Au-delà du simple constat, de la description de l’évolution technologique, Ignacio Ramonet cherche à comprendre la logique du discours médiatique. La dissolution joyeuse du pouvoir communiste en 1989, par exemple, contrastait trop avec la fin du nazisme et la découverte effroyable de la réalité des camps. Ainsi la mise en scène de Timișoara venait répondre à l’attente d’images symboliques de certains, comme une confirmation analogique.

La construction d’une « société de l’information globale » avec l’ouverture des frontières au libre flux favorise évidemment les mastodontes américains qui maîtrisent toute la chaine et dont certains ont des intérêts dans l’industrie de la guerre.

Par ailleurs directeur de l’édition espagnole du Monde Diplomatique, Ignacio Ramonet conclu en appelant les journalistes, notamment de la presse écrite, à leur responsabilité. Il leur cite Vaclav Havel : « Il faut de longues années avant que les valeurs s’appuyant sur la vérité et l’authenticité morales s’imposent et l’emportent sur le cynisme ; mais, à la fin, elles sortent victorieuses, toujours. »
Son propos est toujours nourri d’exemples et de citations, de chiffres et de faits qui viennent étayer sa démonstration. Utile pour comprendre l’évolution en cours. Complémentaire de LES NOUVEAUX CHIENS DE GARDE de Serge Halimi, par exemple.




LA TYRANNIE DE LA COMMUNICATION
Ignacio Ramonet
212 pages – 138 francs.
Éditions Galilée  – Paris – mars 1999


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