Un rappel historique permet tout d’abord de comprendre l’origine du conflit. Lors du démantèlement de l’Empire ottoman à la fin de la première guerre mondiale, les États occidentaux vainqueurs ont répartis les zones de population kurde entre quatre pays nouvellement créés. Ce modèle d’État-nation va reproduire ce qui s’est passé en Europe : l’imposition par la force d’une seule identité nationale niant l’existence de cultures variées. Le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) est, à partir des années 70, le principal acteur de la résistance kurde en Turquie, marxiste-léniniste et inspiré des mouvements de libération nationale d'Amérique latine. Après le coup d’État de 1980, le régime militaire arrête et exécute de nombreux militants. Le soulèvement de 1984 provoque une longue répression : 4 000 villages sont brûlés. Le leader du PKK, Abdullah Öcalan, est emprisonné depuis 1999. Il comprend alors que s’il veut libérer sa communauté et instaurer une véritable démocratie, il doit renoncer à revendiquer un État et défend le confédéralisme démocratique.
En février 2015, après deux années de négociations entre l’État turc et le PKK, les accords de paix sont signés à Dolmabahçe. En mars, des lois ultra-sécuritaires sont votées, notamment pour interdire les rassemblements et autoriser la police à faire usage de ses armes quand elle le veut. La trêve est rompue. À partir d’avril, la campagne pour les élections législatives de juin est le théâtre de nombreuses agressions contre les locaux, les militants, les réunions du HDP, parti d’extrême-gauche pro-kurde qui va obtenir 80 députés au parlement. Le président Erdogan dénonce les accords de paix.
Le 20 juillet, un kamikaze se fait exploser devant un centre culturel où se trouvaient des jeunes venus de toute la Turquie avec des jouets pour les enfants de Kobanê. La police turque empêche les ambulances d’approcher, gaze les blessés et ceux qui leur portent secours.
Le 12 août 2015, l’Union des communautés du Kurdistan (KCK) annonce que le peuple kurde n’a d’autre choix que de déclarer son autonomie. Dès lors, des villes sont tour à tour soumises au couvre-feu. Les forces spéciales attaquent, avec des tanks et des obus, les quartiers défendus par les jeunes kurdes des Unités de protection civile (YPS).
Le 10 octobre 2015, un rassemblement pour la paix à Ankara est attaqué par des kamikazes liés à l’armée islamique : 102 personnes sont tuées. La police attaque ceux qui secourent les blessés et bloque les accès aux ambulance.
Le 8 février 2016, L’Union européenne offre trois milliards d’euros à la Turquie pour qu’elle garde les migrants sur son territoire puis trois autres milliards supplémentaires en avril.
Baran, un habitant de Diyarbabir éclaire la géostratégie de l’État turc. C’est lorsque le Rojava (Kurdistan syrien) et le canton de Cizîrê (Kurdistan turc) ont été reliés par la reprise à Daech de la ville frontière, coupant ainsi le passage qu’empruntaient l’État Islamique et l’État turc, que ce dernier leur a déclaré la guerre. Il explique aussi le principe de l’autodéfense, un des « neuf pieds » de l’autonomie.
Amet, un jeune rencontré dans une manifestation à Sur, raconte comment sont organisés les YPS-H et leur pendant féminin, les YPS-jin, guérilleros urbains formés dans les montagnes et chargés de défendre leurs quartiers.
Une série de discussions décrypte le jeu du président turc Erdogan. En ouvrant les vannes des réfugiés irakiens et syriens vers l’Europe, il a fait pression sur cette dernière pour qu’elle s’en tienne au silence sur les pratiques du régime turc et lui confie l’externalisation de sa politique migratoire contre six milliards d’euros. Cette impunité concerne les massacres et la terreur mais aussi les livraisons d’armes aux islamistes en Syrie. Est expliquée également l’infiltration tolérée de cellules de Daech jusque dans les services de la police, de l’armée et des services secrets turcs.
Haydar Darici, chercheur en histoire et en anthropologie expose les grands principes de l’autonomie démocratique : système judiciaire propre pour résoudre les problèmes au sein de la communauté, coopératives mises en place dans le cadre d’une économie alternative,… Avec le système de co-présidence, les femmes sont aussi actives que les hommes dans tous les processus.
D’autres acteurs et témoins encore, rendent compte de la violence de la répression, de la colère et de la détermination du peuple kurde.
Ces témoignages permettent de comprendre un conflit dont les médias occidentaux parlent peu et que la complexité territoriale, les doubles jeux de certains, empêchent d’appréhender clairement. Le choix des textes et leur contextualisation nécessaire sont impeccables.
« SERHILDAN » : LE SOULÈVEMENT AU KURDISTAN
Paroles de celles et ceux qui luttent pour l’autonomie
Collectif Ne var ne yok
146 pages – 7 euros
Niet!Éditions – Le Mas d’Azil – août 2016
http://www.niet-editions.fr/
D’autres informations sur le blog des auteurs :
nevarneyok.noblogs.org
Lectures complémentaires :
UN AUTRE FUTUR POUR LE KURDISTAN ?
LA COMMUNE DU ROJAVA
MAKE ROJAVA GREEN AGAIN
MOURIR POUR KOBANÉ
KOBANE CALLING
LA QUESTION KURDE
KURDISTAN, AUTOGESTION, RÉVOLUTION
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