14 juillet 2018

MAUVAISES MINES - Combattre l’industrie minière en France et dans le monde

Initié par l’association Ingénieurs sans frontières Systèmes extractifs et environnements (ISF SystExt), cet ouvrage propose un état des lieux du « renouveau minier » français, des pollutions qu’il implique, notamment l’impunité et les scandales de l’après-mine, les faux-semblants écologiques de la mine « verte » qui est avant tout une technique de communication et des tentatives d’échapper au débat public.

En France, la dernière mine de charbon ferme en avril 2014, suivie par la dernière d’or et d’arsenic. Fin 2017, la production minière hexagonale se résume à quelques mines de sel, une exploitation de schistes bitumeux destinés à l’industrie pharmaceutique et deux mines de bauxite. Avec l’industrialisation accélérée des pays-continents (Chine, Brésil, Inde) et la production croissante des produits high-tech, le marché mise sur une demande durablement plus forte que l’offre. En 2012, 90% de la production mondiale vient de Chine. Le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), institution publique historique spécialisée dans la connaissance des sous-sols, travaille à la relance d’exploitations hexagonales qui se heurte à des collectifs d’opposants locaux proclamant « Non aux mines. Ni ici, ni ailleurs ! ». « Une position qui ne pourra se tenir sans mettre sur la table la véritable question de nos besoins en matières premières. En finir avec les logiques de spéculation sur les ressources de la terre, entamer le désarmement des nations et partir en cure de désintoxication de nos addictions high-tech, avec remise en cause des biens-fondés de la croissance. Pour ne plus avoir à choisir entre le rôle du pilleur et du pillé.»

Les roches rejetées dans l’exploitation des nombreuses mines d’uranium, utilisées comme remblais pour construire des parking ou des terrains de jeux, sont radioactives. L’eau qui traverse un gisement minéral, en général sulfuré, devient acide avec de graves conséquences pour la faune et la flore. La sélection mécanique permettant d’isoler les bons fragments est souvent complétée par la chimie (avec le cyanure pour l’or par exemple) qui nécessite un stockage étanche des résidus, très difficile sinon impossible, quand il n’est pas tout simplement négligé. 8 à 10% de la production mondiale d’énergie, selon une étude réalisée par deux ingénieurs de l’École Central de Paris, seraient consacrés à extraire, transporter et raffiner.

Une population en colère peut coûter dix mille dollars par jour d’exploitation minière empêchée et les méthodes les plus sûres de confinement des déchets toxiques feraient littéralement exploser les coûts, c’est pourquoi les industriels ont adopté des méthodes de communication pour se faire passer pour modèles de vertu en matière de développement durable.
De même, pour contrecarrer la loi Dodd-Franck promulguée par Barack Obama en 2010 et qui contraint les entreprises à signaler les métaux provenant des zones de conflit en République démocratique du Congo, Center for Global Developpement a publié une étude présentant les « conséquences involontaires » d’une telle mesure qui, dénonce-t’elle, affame les populations en les privant de travail.
En France, Emmanuel Macron, alors ministre de l’Économie, a mis en place le comité « Mine responsable » dont la première réunion s’est tenue… le 1er avril 2015. Les ONG conviées ont d’ailleurs rapidement quitté la table.

Depuis 1810, l’État français peut confier l’exploitation des métaux et hydrocarbures à qui il veut, indépendamment de l’identité du découvreur comme du propriétaire du sol. Ces ressources, considérées comme stratégiques, ne sont pas régies par le régime ordinaire du droit mais par des textes spécifiques. En 1999, est promulguée la « loi de l’après-mine » qui fixe la responsabilité du titulaire d’un titre minier sur les dommages causés par son activité sans limite de périmètre ni de durée. En cas de défaillance ou de disparition, l’État devient garant de la réparation des dommages. Les auteurs démontrent que malgré tout fausses déclarations et impunités sont la règle, comme pour la mine d’or de Salsigne et celle de zinc de Saint-Félix-de-Pallières.

Les miniers réclament des procédures raccourcies et simplifiées, à l’inverse des associations environnementales. Si le code minier impose au ministère de l’Économie de mener des consultations avant de délivrer un permis, celui-ci ne peut que solliciter le Conseil général de l’économie, de l’industrie, de l’énergie et des technologies composé de hauts fonctionnaires issus de l’École des Mines. Le code de l’environnement impose aux autorités d’ouvrir une « consultation » publique, consistant en un boîte mail ouverte pendant trois semaines sans autre communication que sur les sites gouvernementaux, sans annonce dans la presse ni réunion publique.

Un article est consacré à la mine de Salau, pleine d’amiante, que des nostalgiques du temps où elle employait 600 personnes, souhaitent réouvrir. Alors que le caractère dangereux de l’amiante est connu depuis 1945, son usage n’a été interdit qu’en 1997. Des experts publics ont effectué une étude de la zone sans se pencher sur cette question « en raison d’un aléa administratif lors de l’établissement des offres et des bons de commandes ». Cependant, si l’État a bien délivré un permis, la commune a promulgué un arrêté municipal interdisant pour des raisons de sécurité le passage de véhicules à moteur sur la voie d’accès.

En Guyane, un projet de mine d’or à ciel ouvert est à l’étude, avec la bénédiction d’Emmanuel Macron, près de deux réserves biologiques intégrales. France Libertés-Fondation Danielle Mitterrand déclarait, en décernant son prix 2017 au collectif Or de Question, que l’urgence environnementale impose des résistances radicales aux projets climaticides.

La production croissante de métaux industriels est indispensable à l’armement, à l’urbanisation du monde et aux nouvelles technologies présentées comme source d’une « croissance verte ». « De l’existence de la « mine verte et responsable » dépend la poursuite de la fuite en avant productiviste à l’heure des green-tech. » Mais si le cloud était un pays, il se classerait au cinquième rang mondial des consommateurs d’électricité et le « coût carbone » de la production d’une voiture électrique annule totalement le bénéfice de sa non-consommation de pétrole. Il nous faut rompre avec ce modèle qu’on nous a vendu mais qui n’est rendu possible que par l’exploitation et la destruction, et mener de front la solidarité avec des luttes éloignées contre des mines, la réduction drastique de notre consommation personnelle d’objects manufacturés et l’offensive contre les entreprises françaises emblématiques et les secteurs gourmands en métaux.
Si l’obsolescence programmée a bien été interdite, aucune mesure de contrôle n’a été prise.

Une enquête complète sur le site du méga-projet aurifère en Grèce réalisée par
les membres de Z, revue itinérante d’enquête et de critique sociale, qui se sont rendus en Chalcidique, dans le nord du pays, et ont longuement interrogé, selon le fonctionnement habituel de la publication, permet de comprendre notamment les méthodes d’intimidation utilisées. La société canadienne Eldorado Gold compte investir un milliard de dollars et empocher le trésor de vingt milliards enfoui car le code minier en Grèce ne prévoit le versement d’aucune redevance sur la production. Elle divise les villages et les familles en pratiquant le chantage à l’emploi, reprend à son compte les revendications de protection de l’environnement pour disqualifier les écologistes, relégué-es eu rang d’extrémistes passéistes, en instaurant tranquillement un climat de peur et de contrôle, jusqu’au harcèlement téléphonique et aux tentatives d’assassinat. Face à la terreur imposée par la police, les résistances s’organisent, jusqu’aux sabotages d’envergure. 



MAUVAISES MINES
Combattre l’industrie minière en France et dans le monde
Suivi de LA RUÉE VERS L’ORDRE - Enquête sur le site d’un méga-projet aurifère en Grèce
Mathieu Brier et Naïké Desquesnes
154 pages – 8 euros
Réalisé par Z, revue d’enquête et de critique sociale – Montreuil
Éditions Les Ami-e-s de Clark Kent – Marseille – Printemps 2018

http://www.zite.fr/


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