7 décembre 2021

LES MONOLOGUES DU VAGIN

Avec ce texte quasi-culte, joué pour la première fois à New-York en 1996, Eve Ensler transmet les paroles de quelques deux cents femmes qu’elle a interviewées pour évoquer leur rapport à leur vagin.
Ces confidences révèlent parfois une méconnaissance, comme cette femme de 72 ans qui venait de vivre sa première « exploration personnelle », beaucoup de violence, depuis l’une de ces dizaines de milliers de femmes bosniaques violées systématiquement, « sous prétexte de tactique de guerre, en plein milieu de l’Europe, en 1993 », ou ces femmes vivant dans la rue qui ont pratiquement toutes subi un inceste ou un viol au sein de leur cellule familiale quand elles étaient petites filles ou adolescentes et qui ne se sont jamais senties en sûreté qu’en prison ou dans un centre d’accueil au milieu d’autres femmes, jusqu’à cette épouse que le mari contraint à se débarrasser du moindre poil.
Si les mutilations génitales subies par deux millions de fillettes chaque année, sont souvent comparées à la circoncision, Eve Ensler précise que l’ablation du clitoris équivaudrait chez l’homme à « l’ablation de la totalité du pénis ainsi que de ses racines en tissus mou et d’une partie de la peau du scrotum ». Elle indique également qu’au Texas, en Georgie, dans l’Ohio et l’Arkansas, la vente des vibromasseurs est interdite par la loi, sous peine d’une amende de 10 000 dollars et d’un an de travaux forcés, tandis que celle des armes est parfaitement légale. La littérature médicale qu’elle a consulté pour alimenter ces intermèdes historiques et scientifiques, révèle qu’ « aux États-Unis, la dernière clitoridectomie à but curatif de la masturbation connue a été enregistrée en 1948 – sur une petit fille de cinq ans » !
Il y a tout de même aussi beaucoup de conversations enthousiastes comme celle avec cette incroyable avocate, « gémisseuse » qui angoissait les mecs, qui décida, à trente ans, de se consacrer à donner du plaisir aux femmes, à leur apprendre à se libérer : « Trouver la clef, pour rendre sa voix au vagin, pour libérer cette voix, ce chant sauvage. » Et d’entonner toutes sortes de gémissements pour illustrer une immense diversité en la matière.

L’auteur avoue, dans un manifeste publié en annexe et rédigé à l’occasion du « V-Day », qu’après avoir visité une quarantaine de pays, une espèce d’individus qu’elle croyait rare, lui est apparue en pleine évolution : « les Guerrières du Vagin ». « Elles ne sont plus retenues par les conventions sociales ou inhibées pas des tabous. Elles n'ont pas peur d'être seules, elles n'ont pas peur d'être ridiculisées, elles n'ont pas peur d'être attaquées. Elles sont toujours prêtes à affronter n'importe quoi pour assurer la sécurité des autres. » « Elles savent que ce n'est pas le châtiment qui fait cesser l’arbitraire. Elles savent qu'il est plus important de créer un espace où le meilleur peut se produire, plutôt que “de faire apprendre une leçon aux gens“. » « Les Guerrières du Vagin ne seront plus jamais des victimes. (…) elles ont éprouvé la rage, la dépression, le désir de vengeance. Elles les ont transformé en deuil, et en besoin de servir. Elles ont affronté leur propre nuit. »

À la fois célébration, intenses moments de libération de la parole, manifeste féministe, mise en voix décomplexée des tabous et des non-dits, cette pièce de théâtre témoigne d’une grande diversité de vécus et des réalités crus de la condition féminine, notamment dans le rapport au corps.


Ernest London
Le bibliothécaire-armurier



LES MONOLOGUES DU VAGIN
Eve Ensler
Traduit et adapté de l’anglais (États-Unis) par D. Deschamps
112 pages – 12,50 euros
Éditions Denoël – Paris – Septembre 2005
www.denoel.fr/Catalogue/DENOEL/Denoel-d-ailleurs/Les-Monologues-du-vagin
Titre original : The Vagina Monologues, Villard, New York, 1998




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