2 décembre 2022

LE NUCLÉAIRE N’EST PAS BON POUR LE CLIMAT

L’énergie nucléaire est devenue marginale dans le monde, plus coûteuse que les énergies renouvelables, incommensurablement plus dangereuse, pourtant la France s’obstine à persévérer dans cette impasse avérée, au nom du mantra des nucléaristes selon lequel le nucléaire ne produisant pas de CO2 serait bon pour le climat. En quelques dizaines de pages denses et documentées, Hervé Kempf, rédacteur en chef du site d’information Reporterre, démonte la propagande de ces lobbyistes.

La moitié du parc nucléaire est à l’arrêt et EDF incapable de construire le réacteur EPR dans les temps et à coûts maîtrisés. « Il est stupéfiant que les nucléaristes et avec eux la majorité des politiques raisonnent comme si un accident grave ne pouvait jamais se produire en France. » Ceux accidents survenus à Tchernobyl et à Fukushima sont présentés comme extraordinaires (donc ne pouvant se reproduire) et leurs conséquences modestes (donc très supportables). Or, « dans le monde hypertechnologisé que façonne le capitalisme dans son inextinguible volonté de croissance, l'imprévu catastrophique se produit de plus en plus souvent : une pandémie bouleverse le monde depuis 2019, le réchauffement climatique favorise des mégafeux en Australie et des sécheresses à répétition dans le monde, une guerre dévastatrice se déroule sur le territoire européen… » Hervé Kempf signale que la méthode suivie par l’UNSCEAR pour évaluer les effets sanitaires de Tchernobyl, repose sur un modèle issu de l'analyse des bombes d'Hiroshima et Nagasaki, soit une exposition forte mais unique, ignorant les doses faibles mais continues, puis calculant le nombre de cancers induits à partir d'estimation et non pas d'études épidémiologiques. Par ailleurs, les études et recherches des médecins et scientifiques russes et ukrainiens, montrant que la situation sanitaire dans les régions contaminées est durablement altérée, sont systématiquement négligées. Pourtant, l'Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS), dans un rapport pour le ministère de la Défense, décrivait en 2013 les conséquences d'une contamination radioactive durable sur une zone importante, chiffrant les conséquences économiques à une perte de PIB d’environ 20 %… en considérant que seuls des territoires ruraux seraient concernés. Or, non seulement les réacteurs nucléaires et l’usine de La Hague sont mal protégés contre une attaque terroriste, mais ils sont aussi plus vulnérables que des petites unités disséminées sur le territoire, telles les énergies renouvelables. « L'atome suppose la paix et une société très stable. » Les séismes, le réchauffement climatique, les inondations sont aussi des sources légitimes d’inquiétude. De plus, « la fragilité même du parc nucléaire français est une cause possible d’accidents graves » : vieillissement des réacteurs conçus pour fonctionner quarante ans, fissures d’origine sur une dizaine de cuves, problèmes de corrosion inexpliqués,… En 2018, une commission d’enquête parlementaire, présidée par Barbara Pompili, alors députée du groupe LaREM, pointait « le manque de rigueur dans la construction et l’exploitation des réacteurs ».
Après avoir sauvé AREVA de la faillite, l’État intervient régulièrement pour alléger la situation d’EDF dont l’endettement de 40 milliards d’euros représente plus du double de son résultat annuel d’exploitation. Cette entreprise continue pourtant à « faire des choix fondés sur des hypothèses optimistes ».
L’auteur soutient que la probabilité d’un accident, même minime, doit être prise en compte dans tout choix énergétique. Il précise que la question ne se pose ni pour les énergies renouvelables ni pour les économies d’énergies.
Par ailleurs, pour tenir son engagement de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 55% d’ici 2030 par rapport à 1990, la France ne peut compter sur la construction de nouveaux réacteurs, opérationnels, au mieux, qu’en… 2037 ! « Les énergies nouvelles, et notamment le solaire, ont connu une progression technique fulgurante, tandis que le nucléaire, dont le coût est à la hausse, s’empêtre dans une technologie datant pour l'essentiel des années 1970. » Ainsi, depuis le démarrage, à Flamanville en 2006, du chantier EPR, qui doit fournir 1650 MW de puissance, 17 000 MW d’éolien et 12 000 MW de photovoltaïque ont été installé en France.
La gestion des déchets atomiques pose également problème : le projet Cigéo d’enfouissement rencontre des difficultés techniques non résolues, et représente un coût très incertain. Malgré la guerre en Ukraine, l’uranium de retraitement continue d’être envoyé en Russie, faute d’autre solution.
Tous ces éléments contribuent à renforcer les incertitudes quant au coût réel de la relance du nucléaire. L’étude de RTE, reprise par le gouvernement, qui conclue à l’avantage économique de cette filière, estimé à 10 milliards d’euros par an, par rapport à d’autres scénarios, repose sur des hypothèses très optimistes : construction d’un EPR2 d’ici 2035, taux d’intérêt équivalent à ceux proposés pour les énergies renouvelables (alors qu’il est toujours plus fort), etc.
Enfin, les coûts réels et nombres d’informations sont dissimulés même aux parlementaires ! « Le nucléaire, en fait, est antithétique aux principes d'une société démocratique. »

Hervé Kempf rappelle que la maîtrise de la demande est urgente et possible, pour répondre à l’urgence climatique : ne pas laisser se développer des « technologies gourmandes en énergie » (5G, cryptomonnaies, panneaux vidéo publicitaires, éclairage nocturne), accélérer la rénovation thermique des bâtiments. Il affirme que « si toute la société doit s’engager dans la réduction des émissions, les riches doivent prioritairement y contribuer » : « le nucléaire n’est que le faux-nez d’un refus d’aborder la question des inégalités ».

Indispensable contribution au débat monopolisé par des décideurs aveugles et sourds. Ferme réponse aux assertions pleines d’aplomb matraquées à longueur d’antenne, d’articles ou de bandes dessinées.

Ernest London
Le bibliothécaire-armurier


LE NUCLÉAIRE N’EST PAS BON POUR LE CLIMAT
Hervé Kempf
60 pages – 4,50 euros
Éditions du Seuil – Collection « Libelle » – Paris – Septembre 2022
www.seuil.com/ouvrage/le-nucleaire-n-est-pas-bon-pour-le-climat-herve-kempf/9782021512922

 

Merci à Thom Holterman d'avoir traduit cet article en hollandais : libertaireorde.wordpress.com/2022/12/11/kernenergie-is-niet-goed-voor-het-klimaat/ 


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