4 novembre 2025

LE JOINT FRANÇAIS

Une jeune autrice de bande dessinée en manque d’inspiration, rentre quelques jours chez ses parents, en Bretagne. Elle évoque, avec son père, le conflit social à l'usine du Joint français, en 1972, « encore très vif dans les mémoires ». Dès lors, ses crayons et carnets ne la quitteront plus du séjour. Elle va multiplier les rencontres et les entretiens pour accumuler des témoignages, consulter les archives et restituer ce pan emblématique de l’histoire des mouvements sociaux.


Cette filiale de la CGE s’est installée en 1962 à Saint-Brieuc pour profiter d’une main-d’œuvre bon marché, profitant d’aides de l’État considérables. Les conditions de travail sont éprouvantes : pas de vestiaires, 49 heures de travail par semaine, amiante et chlorure d’éthylène,… « On aurait dit les arrière-cuisines de l'enfer. »




La situation s'est progressivement dégradée entre les salariés et la direction qui se considère comme « les sauveur qui avaient apporté du travail à la région », jusqu’à la grève générale votée le 7 mars 1972 et l’occupation de l’usine le 10. Mai 1968 n’est pas loin et, sur ordre du ministre de l’Intérieur, l’assaut est donné par quatre cents CRS. C’est la stupéfaction : « Au nom de la liberté du travail, on a envoyé la force armée contre des gens qui voulait simplement défendre leurs droits. » C’est désormais la rue qui va être occupée. La solidarité est immédiate car tout le monde connait quelqu’un qui travaille au Joint. Les paysans fournissent des denrées et des caisses de grèves sont mises en place. La photo d’un CRS empoigné par un ouvrier, deux amis d’enfance face à face, contribue à fortement médiatiser le conflit, notamment au niveau national.




La place des femmes - représentant les deux tiers des effectifs – est évoquée, ainsi que la dimension identitaire de la lutte : « Ce qui a fait aussi la force de ce conflit, c'est qu'il a interrogé la place de la Bretagne dans le tissu industriel. La CFDT a évoqué des entreprises pirates venues coloniser et exploiter une main-d’œuvre à bon marché. »


Les illustrations, des croquis (élaborés) pris sur le vif, soulignent la véracité du reportage. Gwénaëlle Régereau contribue à entretenir la mémoire des luttes, à partir de sa propre mémoire familiale. Une transmission réussie.


Ernest London

Le bibliothécaire-armurier



LE JOINT FRANÇAIS

1972, une usine en grève

Gwénaëlle Régereau

160 pages – 25 euros

Éditions Des Ronds dans l’O – Vincennes – Septembre 2025

www.desrondsdanslo.com/LeJointFrancais.html




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