En parallèle à
une œuvre foisonnante et essentiellement consacrée à une littérature de
terroir, nous apprend la préface, Ernest Pérochon a écrit cet étonnant roman d’anticipation.
Dans une humanité post-scientifique ravagée par les conséquences
inconséquentes des découvertes des hommes, une civilisation mondialisée survit,
meilleur des mondes où la science est désormais soumises à l’éthique et la
morale, les passions et différences proscrites pour endiguer toute source
de conflits, le confort matériel assuré à tous pour éviter toute jalousie. Pourtant,
le naturel toujours revient.
La longue et méthodique description de l’escalade absurde
vers la guerre civile est édifiante. L’auteur semble prendre un malin plaisir à
battre en brèche les discours de sagesse des anciens par les incantations sans
scrupules des populistes. On assiste, impuissant, à l’adhésion aveugle des
masses populaires aux arguments tellement simplistes et fallacieux, aux
décisions stupides et suicidaires qui ne pourront conduire qu’au pire : la
stérilisation accidentelle de (presque) tous les survivants, châtiment encore
plus terrifiant que l’anéantissement immédiat, car l’espèce humaine va
assister, littéralement impuissante, à sa lente disparition.
D’un pessimisme sombre, puisque les hommes
reviendront l’un après l’autre sur les « dispositifs de
sécurité » tirés des leçons du passé pour que « plus jamais ça »
et conduiront le monde à l’apocalypse une seconde fois, Ernest Pérochon garde au fond de lui une
lueur d’espoir. Il donnera une ultime chance à ses survivants qui, après plusieurs
générations recommencent encore et toujours à se chercher querelle, en faisant
disparaître accidentellement le chef des belliqueux, par émasculation, au
profit du « chef » pacifiste. Le retour à une humanité primitive est-il la seule solution contre la stupidité des hommes ?
Démonstration implacable et jubilatoire de l’avidité
du pouvoir, de la bêtise des prétextes, de la toujours trop simple facilité à
manipuler les opinions.
LES HOMMES FRÉNÉTIQUES
Ernest Pérochon (1885-1942)
Éditions On verra bien, Limoges, mars 2015
Première parution : 1925
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