Très marqué par le film « Gasland »,
Sylvain Lapoix, après avoir rédigé des articles sur les gaz de schistes pour le
site d’information owni.fr, s’est rapidement lancé dans le reportage. Pendant
plusieurs années, il a enquêté, s’est rendu sur le terrain pour comprendre les
enjeux. Son propos est particulièrement technique mais mis en images de façon
très pédagogique.
L’origine de la « fracturation hydraulique »
remonte au début des années 50. Le terme renvoie à la tension hydrostatique car
alors, pas la moindre goutte d’eau n’était utilisée mais de nombreux produits
chimiques, comme le napalm !
Le président des États-Unis élu après la crise
pétrolière de 1973 a laissé peu de souvenirs. Pourtant Jimmy Carter voulu
engager son pays, à partir de 1977, dans une politique d’économie d’énergie et
de développement des alternatives écologiquement responsables !
Il subventionna massivement la recherche et
l’exploitation des sables compacts, gaz de houille et gaz de schistes. Le
budget du Gas Research Institute fut doublé dès l’année suivante pour atteindre
40 millions de dollars, puis 120 dans les années 1980 et 200 dans les années
90. Pourtant, la plupart des taxes notamment sur les véhicules et les industries
furent rejetées. L’agence gouvernementale sur les énergies renouvelables fut
bien créée mais sa seule réalisation fut l’installation de panneaux solaires
pour faire tourner le chauffe-eau de la Maison Blanche ! Et lorsque Reagan
fut élu en 1980, partisan farouche du néolibéralisme, il mit fin à
l’intervention de l’État... et fit
démonter les panneaux ! Les innovations technologiques cessèrent
immédiatement. Elles avaient cependant permis de développer deux techniques
efficaces de fracturation : par injection massive d’eau et par mousse
d’azote. Seule la compagnie Mitchell Energy s’obstina et mit au point le forage
horizontal qui décupla les volumes extraits.
Sylvain Lapoix s’est rendu en Pennsylvanie pour constater
les conséquences environnementales dramatiques des exploitations. Les
illustrations de Daniel Blancou, de paysages ravagés, lunaires, stupéfient et
parlent d’elles-mêmes.
Il a également enquêté en France où les premiers
permis ont été octroyés en 2010 dans la plus grande discrétion. Quelques
articles parus peu après ont suscité la mobilisation de collectifs de citoyens.
Une loi fut votée en juillet 2011 pour que le sujet ne vienne perturber la
campagne présidentielle à venir, mais habillement vidée de sa substance par
quelques amendements qui précisaient que les compagnies ne devaient pas
utiliser la fracturation hydraulique (le terme, pas la technique !) et
supprimaient la délivrance des permis. Les compagnies n’ont donc plus de
comptes à rendre tandis que le grand public croit que les gaz de schistes sont
interdits ! La complexité favorise les raccourcis trompeurs.
En Pologne comme aux Etats-Unis, les auteurs
démontrent la collusion entre gouvernements et lobbies industriels, la
criminalisation des opposants, le chantage à l’emploi ou l’indépendance
énergétique pour convaincre.
Pourtant les gaz extraits ne sont pas rentables. Ils
sont utilisés pour faire barrage aux énergies renouvelables. C’est une arnaque,
une manipulation intégrale.
Enquête on ne peut plus exhaustive. Tout est dit,
montré, analysé avec beaucoup de rigueur et de pédagogie. Il doit être
difficile de trouver plus complet et plus clair.
ÉNERGIES EXTRÊMES
Sylvain Lapoix (enquête) et Daniel Blancou (dessin
et couleur)
132 pages – 19 euros
Éditions Futuropolis – Paris – janvier 2012
Né d’un reportage publié dans la Revue Dessinée.
Pour aller plus loin, consulter le dossier réalisé par l’auteur :
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire