Raharimanana n’était pas né en 1947. En mars, Madagascar s’était insurgée contre la colonisation française. La répression dura deux ans. Sa mémoire demande des comptes. Il cherche à reconstituer ces années-là qui échappent aux mémoires, histoire réécrite par les vainqueurs, tue par les vaincus, pour oublier.
Derrière le maquillage lexical, il scrute l’agression requalifiée en protectorat : « comment faire croire que ce qui arrive à l’indigène n’est que pour son bien d’enfant irresponsable. » Être « civilisé » et non pas « colonisé ». Être « pacifié » et non pas « massacré ». L’indépendance continuera à faire référence au colonisateur qui aura « gracieusement offert la possibilité de cheminer seul dans ce monde hostile. »
La mémoire reste vivace mais sa transmission est condamnée à la légende et à la rumeur. Pendant longtemps seule l’armée française a écrit, seul l’oppresseur a donné sa version des faits. 89 000 morts ?
Obsession du gouvernement malgache de ne pas se couper des mannes de l’État français en évoquant les massacres coloniaux ou même les préjudices de la colonisation : ne pas farfouiller dans le passé pour ne pas altérer les « bonnes relations » avec la France, au mépris de la vérité historique. Les dirigeants, en prenant la place des colons ont repris subtilement leurs mots : le pays doit se « développer », prendre la marche de la « modernité ».
Ce beau texte évoque des événements rarement mentionnés, y compris cette année, soixante-dix ans après. Plus qu’une enquête rigoureuse, il s’agit d’une volonté personnelle, intime, de chercher à comprendre, par devoir, par nécessité, aidé par quelques souvenirs, courriers ou conversations. Une démarche forte, nécessaire et percutante.
MADAGASCAR, 1947
Raharimanana
Photos du fonds Charles Ravoajanahary
62 pages – 7 euros.
Éditions Vents d’Ailleurs – La Roque-d’Anthéron – mars 2007
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