27 août 2017

L’ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE N’AURA PAS LIEU

Quelques mois avant l’élection de 2017, l’auteur (anonyme) de ce texte, dresse un portrait clairvoyant de l’état de décomposition avancée de notre démocratie. Analysant les signes de plus en plus insistants qu’il relève, il entrevoit, encourage et espère une toute autre issue que celle attendue.

Le rendez-vous présidentiel tous les cinq ans semble rassurant et le rituel est structurant. Pourtant, il ne réserve que de moins en moins de surprise : un premier tour qui ressemble de plus en plus au second, avec un vote par défaut ; un second tour dont le seul enjeu est d’éviter l’élection d’un président d’extrême droite. Et un troisième qui n’aura, comme d’habitude, jamais lieu.
Se rendre aux urnes serait, au sens propre, une capitulation. Continuer à croire à l’homme providentiel. Perpétuer les oppositions de détails. La politique française se trouve dans un service de soins palliatifs et l’élection présidentielle est le moment de la galette des rois. Désirez-vous vraiment élire un nouvel impotent omni-président, tels des sujets se choisissant de nouveaux maîtres interchangeables ayant fait de leur alternance au pouvoir le masque de notre servitude volontaire ?

Les candidats sont prêts à se disputer un fauteuil vidé de son pouvoir réel, dans une démocratie de façade corsetée par les marchés, dans laquelle l’impuissance publique est d’autant plus flagrante et déprimante qu’elle conserve le décorum doré et lustré de sa puissance défunte.
Jean-Claude Juncker, passé de la présidence du grand-duché du Luxembourg à celle de la Commission européenne, au lendemain de la victoire de Syriza en Grèce, déclarait : « Dire que tout va changer parce qu’il y a un nouveau gouvernement à Athènes, c’est prendre ses désirs pour des réalités. Il ne peut y avoir de choix démocratiques contre les traités européens. »
Quand au ministre allemand de l’économie, Wolfgang Schaüble, il affirmait sans sourire : « On ne peut laisser des élections changer quoi que ce soit. »
Si les candidats ne sont pas « blanc bonnet et bonnet blanc », nous n’avons pour seul choix que le pire ou le moins pire. La loi Travail-El Khomeri a montré à quel point le Parti socialiste et Les Républicains partagent une vision commune du monde social et économique. Si on trouvera toujours plus dégueulasse dans le camp d’à côté, la pensée et bien unique et se regarde dans le miroir.

Face à une politique qui va dans le mur se sont dressés les murs des villes en un printemps où le refus de cette loi n’a été que le détonateur du refus du monde tel qu’il se dégrade. L’élection présidentielle ne saurait être le débouché de cette contestation citoyenne.
Sentant venir le vent de cette procédure d’empêchement populaire par anticipation, les oligarchies médiatiques et politiques nous demandent d’ores et déjà d’être « raisonnables » ou « responsables ».

Les riches et les puissants n’ont plus peur depuis longtemps. Ils peuvent faire les effarouchés, se permettre des petites frayeurs et se parer d’atours démocratiques pour leurs atout oligarchiques, mais ils ont réussi à adosser leur mainmise sur l’idée non seulement que nous étions condamnés à « vivre dans le monde où nous vivons », mais que le monde était l’expression aboutie de la volonté populaire exprimée dans les urnes.
Warren Buffet, troisième fortune mondiale, dans un moment de franchise en 2006 : «  Il y a une lutte des classe, évidemment, mais c’est ma classe, la classe des riches, qui mène la lutte. Et nous sommes en train de gagner. »

Quand l’élection présidentielle fonctionne comme un fusil sur la tempe, non seulement l’élection ne suffit plus à la démocratie, mais elle devient un chantage à refuser. Ça ne résoudra pas tout, mais il paraît nécessaire que ce premier obstacle vole en éclats pour ouvrir le champ des possibles. D’ailleurs, considérant le faible taux de participation attendu, les candidats eux-mêmes s’inquiètent de devoir mener une campagne sans prise réelle, sans capacité à peser sur un résultat presque aléatoire.

Le peuple est désarrimé du projet démocratique et se désintéresse du fonctionnement de la vie publique tel qu’il apparaît dans les médias et les lieux officiels. La république électorale se gargarise tandis que les véritables décisions sont prises ailleurs, aux sièges des multinationales ou dans des instances internationales, comme l’épisode grec de l’été 2015 a achevé de le prouver. La démocratie est liée de l’intérieur, puisque le démos s’est retiré. S’il vote mal le peuple ne sera pas écouté. Les élections ne nous garantissent pas d’être en démocratie mais nous martèlent que nous y serions simplement parce qu’elles existent.

Il y a eu la « révolte des maires », cette fronde inédite d’élus locaux lassés d’être mis dans le même panier qu’une classe politique discréditée et connectée de la hauteur des enjeux. Nombreux refusèrent de donner leur signature au potentiels candidats.
Il y eut ces meetings, perturbés, conspués, empêchés, ces ministres et candidats en déplacement, poursuivis, criblés d’oeufs, harcelés puis de plus en plus discrets.
Il y eut ces slogans, ces affiches, ces sites internet qui martelaient en boucle le discrédit et l’appel au boycott.
On cherchait des chefs mais il s’agissait d’une somme d’énergies, sans responsables ni hiérarchie.


Cette analyse à chaud des mois de campagnes électorales, avec la montée inexorable de l’abstentionnisme et le risque grandissant du naufrage, recense tous les symptômes du déraillement prévisible... qui n’a finalement pas eu lieu. Jusqu’à la prochaine fois ? Car le résultat de cette élection ne ressemble-t-il finalement pas à une ultime tentative d’essayer encore une fois d’y croire, tant bien que mal ?
Au-delà de l’évènement particuliers, cette radiographie de notre démocratie et le diagnostique de ses dysfonctionnements, demeurent d’actualité. De bonnes formules et d’excellentes réflexions permettront de répondre à bien des lieux communs profondément ancrés, à couper cours à beaucoup de propos usés.





L’ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE N’AURA PAS LIEU
Anonyme
114 pages – 7,50 euros
Éditions La Découverte – Paris – Novembre 2016

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