31 janvier 2018

DENVER

David McKee est l’illustre créateur de l’inoffensif éléphant bariolé Elmer. Il a également commis il y a quelques années, toujours sous couvert d’album destiné à la jeunesse, un violent pamphlet conservateur, éloge sans masque d’un capitalisme paternaliste absolument décomplexé.


« Denver était riche. Très riche. Très très riche. » Il s’adonnait à son passe-temps favori, la peinture, tandis que les gens de la ville travaillaient pour lui comme chauffeur, jardinier, cuisinière ou extra durant ses réceptions. Tout le monde l’estimait beaucoup car il était généreux, gentil et toujours d’humeur enjoué.
Un jour un inconnu vêtu de noir arriva et, frappant de porte en porte, expliqua qu’il n’était pas juste que Denver ait autant d’argent. Le mécontentement grandissant parvint évidemment aux oreilles de Denver qui décida aussitôt de vendre tout ses biens afin de partager équitablement la somme entre tous les habitants. Et que firent ces salauds de pauvres ? Je vous le donne en mille : ils claquèrent leur fric en partant en vacances et s’achetant des bagnoles !
Denver s’installa dans une autre ville et vécu chichement en se consacrant à sa passion. Comme il avait beaucoup de talent, ses peintures se vendirent vite très chères et il redevint rapidement, riche, très riche, très très riche.
« Quand à l’inconnu, » nous prévient l’auteur en guise de conclusion, « il est toujours en train de rôder et de semer le mécontentement. Si vous le croisez, passez votre chemin. »

Je vous promets que nous n’avons là rien exagéré. Il y a une vraie sincérité dans tout cela, une confiance aveugle dans la main invisible du marché, une certitude que si le « ruissellement » (selon la théorie éponyme) ne fonctionne parfois pas, c’est bien la faute de ces crétins de pauvres qui se laissent si facilement influencer à vouloir remettre en question l’ordre du monde, au lieu de continuer à être satisfait de ramasser les miettes.
La guerre des idées est donc lancée. Que d’autres créateurs d’album arrêtent à leur tour de dessiner des éléphants, saisissent la perche tendue et conçoivent des histoires de révolutions et de communes libres, de coopération et de vrai partage,… que sais-je ? Il ne s’agit nullement de chercher à embrigader comme je l’entends déjà, mais bien de donner à voir d’autres possibilités du monde, de forger des consciences critiques.
Alors, à vos pinceaux !




DENVER
David McKee
24 pages – 13 euros
Éditions Kaléidoscope – Paris – Mars 2010

 

Du même auteur : 

SIX HOMMES

 


Nous en avons d'ailleurs déjà déniché quelques uns :

 

 


 

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