L’Alliance de tous les moines et le mouvement démocratique Génération 88 manifestent alors avec la population pour réclamer une baisse des prix du riz et du carburant, ainsi qu’un changement pacifique vers la démocratie. La violente répression du régime, une dictature militaire en place depuis quarante-cinq ans, étouffe le mouvement au bout de quelques semaines, malgré les immolations de quelques moines. Invité sur les plateaux de télévision, il doit expliquer et commenter la situation face aux représentants du gouvernement français qu’il ne doit pas heurter s’il veut obtenir que ceux-ci fassent pression au niveau européen et à l’ONU, pour soutenir l’opposition birmane. La présence de Total dans le pays, principal exploitant du gaz en échange d’un soutien financier à la junte, complique sa tâche.
D’autres associations surgissent, des spécialistes autoproclamés prennent la parole, organisent des manifestations. « Chacun essaye de promouvoir son truc », quitte à diffuser de fausses informations pour se mettre en avant.
Au-delà de l’histoire de cette révolution, ce récit nous montre les difficultés d’un militant à remplir son rôle : contester en évitant d’apparaître comme un opposant systématique, expliquer que le retrait de Total n’est pas une priorité (ce qui pourrait être une cause facile à défendre) au contraire de la promotion de la transition démocratique. Il a face à lui des experts, y compris dans la diplomatie française, qui considéraient un soulèvement populaire inenvisageable quelques jours avant que celui-ci ne survienne, des universitaires, qui minimisent le caractère politique des manifestations. L’exercice est encore plus périlleux lorsqu’en 2010 le régime organisera des élections et ouvrira le dialogue avec l’opposante emprisonnée Aung San Sur Kyi. « Moralisme et manichéisme font évidemment bon ménage. » Il est plus facile d’appeler au renversement de la junte qui mérite de comparaître devant la Cour pénale internationale que de soutenir une transition à laquelle les birmans acceptent de croire. « Loin de prétendre enseigner aux Birmans la façon dont il fallait vivre ou lutter, nous nous contentions de soutenir un mouvement démocratique dont la figure de référence était une femme qu’ils avaient souhaitée porter au pouvoir. » Frédéric Débomy défend son point de vue sans pour autant prétendre détenir la vérité. Les illustrations vives de Benoît Guillaume pour la partie historique, contrastent avec celles que Sylvain Victor, beaucoup plus abstraites, consacrent aux activités de l’association, souvent encombrées de fils que les militants doivent constatent veiller à ne pas emmêler.
Un récit intéressant et qui interrogera bien des militants sur leur engagement et leur permanent dilemme entre une communication visible et une une discrétion pragmatique et efficace.
SUR LE FIL
Frédéric Debomy, Benoît Guillaume et Sylvain Victor
96 pages – 15 euros.
Éditions Cambourakis – Paris – Avril 2016
http://www.cambourakis.com/
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