Juan Branco propose de démontrer tout ce que « l’apparat » déployé par Emmanuel Macron cherche à dissimuler : un vide abyssal. « Nous sommes nombreux à avoir senti derrière la Geste l’esbroufe. Derrière l’apparence de compétence et d’impression que portèrent cette victoire et cette cavalcade victorieuse, le néant. » Il montre comment le processus démocratique a été dévoyé pour l’instauration d’un pouvoir reposant sur l’écrasement de l’autre, la satisfaction de son « bon plaisir » et le viol de notre souveraineté.
« Cet être cependant croyait par sa seule force, par la toute-puissance de la prise jupitérienne, avoir arraché au peuple une immunité autorisant tous les caprices, d’une piscine à Brégançon à des conférences privatisées à Versailles, d’une balade à Chambord à une réception à La Rotonde, d’une nomination de M. Benalla à l’humiliation d’un chercheur d’emploi, se contentant de la répétition de l’écrasement pour affirmer son soi. » Il décide d’ailleurs de ne plus le nommer que « Monsieur Macron » afin que cette « appellation bourgeoise et rapetissée » le « désouverainise ». Incapables d’élaborer un rapport aux Français, lui et ses sbires, les insultent, les malmènent, les traumatisent, « en un autoritarisme d’apparat », « une violence démultipliée » pour dissimuler leurs fragilités.
On pourra sans doute trouver quelque peu naïve cette quasi nostalgie des présidents précédents comme si finalement ces dévoiements n’étaient pas propres au pouvoir lui-même. Chirac, par exemple, « malgré ses errements et graves défaillances politiques », aurait été « comme l’incarnation même de cet appareil légèrement désuet qu’est la haute fonction publique » après quarante ans au sein de la collectivité. Juan Branco explique l’incapacité de M. Macron à incarner le pouvoir, par son parcours, « agglomération d’intérêts particuliers, à commencer par le sien ». Il le compare au « séducteur » qui « peut à tous promettre tout », en opposition au « narcisse » qui « se contente en tout temps de lui-même », et surtout à « l’amoureux », c’est-à-dire l’homme d’État, qui, lui, « sait ce qu’il doit à l’objet de sa conquête » et lui offre « une possibilité d’existence ». Ses seuls faits d’armes en trente-neuf ans d’existence étant réduits à « la séduction des gardiens du Temple », le voilà condamné à exhiber d’une force débridée, à s’agiter pour ne pas s’effondrer et dévoiler « une personnalité qui nulle part ne transcende » . « Les météores comme M. Macron ne laissent, après l’impression initiale de fulgurante, que le goût du banal et de la vacuité, et seuls l’autoritarisme et l’imposition permettent alors de prendre le relais. »
L’auteur raconte comment, étudiant à Sciences Po, il assista à une conférence du « fringant secrétaire général de l’Élysée », vain et virevoltant exercice de séduction des futures élites politiques, puis comment, en janvier 2014, Xavier Niel, détenteur, avec ses amis, de la presse people qui allait contribuer à sa surmédiatisation, l’informa que cet inconnu du grand public deviendrait le prochain président de la République.
Il explique, dans un long exposé, comment tout le processus politique, dominé par l’élection présidentielle, est « affaire d’incarnation ». Il décrit cet édifice reposant sur la croyance et l’allégeance symbolique, réactualisées par le vote, à des récits et à la « scénification des mythes et événements fondateurs du pouvoir ». Analysant la fonction d'une campagne puis des cérémonies d’intronisation, il montre comment ce « sacre » et l’allégeance qu’il implique, s’ils restent symboliques et non réels, reposent sur l’adhésion à une construction de narrations permettant à la République de résoudre des conflictualités intermédiaires et d’asseoir la continuité des pouvoirs, de maintenir l’unité de la société, ni plus ni moins que « les oraisons magiques touchant à la chasse à l’arc en des tribus ouest-africaines » par exemple. Dés lors, l’erreur de M. Macron est d’avoir cru être lui-même réellement désiré et non pas son « personnage fictionnel », « pur miroir de la société qui l’a institué », de n'avoir pas su s’effacer au profit de cette incarnation symbolique. Il rappelle que, de plus, « c’est bien en tant que célébrité construite de toutes pièces, auprès de sa femme, que M. Macron a été introduit de façon radicale et rapide, auprès du peuple français » et non « par la grâce d’une action sacrificielle ou incarnée au sein des dispositifs d’intronisation habituels de la République ». Incapable d’incarner l’institution, il met en place « une forme renouvelée d’autoritarisme » et n’autorise « aucune contestation symbolique de sa figure » en ce que Juan Branco considère comme une « transition brusque d’un régime que l’on pouvait considérer comme démocratique vers un système que l’on pourrait considérer oligarchique ». Il en conclut que « le macronisme offre à terme un troublant horizon, enfermant sous ses apparences modernistes et apaisées, une tension intérieure qui exigera au long cours, et en cas d’échec inévitable, la projection vers l’extérieur de cette violence à laquelle tous se soumettent pour l’instant temporairement ».
Cet ouvrage ne fera sans doute pas l’unanimité dans sa forme, tant le style parfois amphigourique de son auteur pourra agacer certains, voire décourager. Juan Branco donne cependant ici une grande leçon de sciences politiques à celui qui refusait des interviews au prétexte d’une pensée trop complexe pour cet exercice, et se réclamait d’une certaine proximité avec les philosophes soi-disant suffisante pour lui faire bénéficier de leur héritage symbolique.
CONTRE MACRON
Juan Branco
152 pages – 13 euros.
Éditions Divergences – Paris – Janvier 2019
https://www.editionsdivergences.com/
Il tarde à beaucoup de lire ce livre de Juan Branco qui commence à secouer la chape de plomb du courant médiatique mainstream . Dans ma librairie on dit le livre en rupture de stock et en réimpression .Excellente nouvelle donc . Souhaitons à ce livre qu'il fasse un beau chemin Car il s'inscrit dans une longue histoire contre "les chiens de garde" et lève le voile sur la "trahison des clercs " d'aujourd'hui Et que Juan Branco prenne garde ! Il a rompu les vaisseaux avec sa classe d'origine ;elle lui mènera un combat peu regardant sur les moyens
RépondreSupprimer« Et que Juan Branco prenne garde ! Il a rompu les vaisseaux avec sa classe d'origine ; elle lui mènera un combat peu regardant sur les moyens » : ça a déjà commencé avec les attaques d'Aurore Bergé et l'article paru hier dans l'express (propriété de Patrick Drahi et Alain Weill) intitulé « Juan Branco, le radical chic qui veut la peau de la macronie ». Branco va aussi publier en mars « Crépuscule » au diable vauvert, reprise de la version numérique qui a eue un énorme succès sur la toile avec une préface signée Denis Robert.
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