19 juillet 2022

DIEU T’A CRÉÉ, TU AS CRIÉ… !

Michel Alimeck raconte l’histoire des peuples marrons du plateau des Guyanes. Histoire incarnée, alternative et critique des Saramacas depuis 1498.


Plusieurs conquérants s’intéressent à la Guyane après Christophe Colomb. Les hollandais y introduisent l’esclavage au milieu du XVIIe siècle. Celui-ci se développe à la fin du siècle côté français mais de façon moindre en raison du difficile abord de Cayenne aux vaisseaux et des faibles ressources économiques des colons. Quand des dispositifs de restriction des affranchissements incontrôlés qui menaçaient le pouvoir blanc, furent mis en place, le marronnage se multiplia, favorisé par l’immédiate proximité de la forêt amazonienne, surtout au Suriname où des sociétés tribales ont pu être constituées et résister.
« Le crime, que les hommes tiennent pour le plus grand et punissent le plus cruellement, c'est justement de ne pas être comme les autres. » En Guyane, comme dans toute l'Amérique du Sud et l’Afrique, des missionnaires sont « venus semer une aliénation du catholicisme au service de la colonisation ». En 1827, le ministre des Colonies fait appel à la mère Jahouvey, fondatrice de la congrégation des sœurs de Saint-Joseph de Cluny, pour installer une mission dans l'estuaire de la Mana afin d'accueillir des orphelins français destinés à devenir des colons. Ce que Michel Alimeck reproche à celle-ci, « comme à tous les autres missionnaires, c’est d’être au service de l'État colonial, d'être des fonctionnaires au même titre que les professeurs qui enseignent à nos enfants l'histoire et la géographie d'un pays où ils n'iront peut-être jamais : la France ». Il définit le racisme colonial, racisme des classes moyennes qui ne « possèdent ni terre ni château », « déplacement de l'agressivité du prolétariat créole sur le prolétariat saramaca » : un « snobisme de pauvre ». « C'est le racisme qui crée l’infériorité », notamment dans une société qui défend la supériorité d’une race.
« Tous les créoles, même les plus révolutionnaires, tel Franz Fanon, pensent et écrivent que l'abolition de l'esclavage dans le monde fut l’œuvre charitable des Blancs.
Le créole s'est alors contenté de remercier le Blanc, et la preuve la plus brutale de ce fait est le nombre imposant de statues disséminées en France et aux colonies, représentant la France blanche caressant l'épaule de ce brave nègre à qui l'on vient de briser les chaînes…
En Guyane, le grand homme qui symbolise ces faits est Victor Schoelcher. Son âme repose au Panthéon…
On oublie que ce sont les marrons qui ont mené pendant deux siècles une guerre acharnée vers la liberté, » affaiblissant l’économie et causant des pertes militaires.

Michel Alimeck s'intéresse plus spécifiquement aux Saramacas et revient sur la figure de Boni,  longtemps commandant et organisateur de la guérilla, ainsi que sur les principaux administrateurs, députés et préfets français de la colonie. Certains disparurent dans de mystérieux accidents d’avion, d’autres firent main basse sur l’économie locale. Il souligne et illustre l’importance du mimisme, du langage proverbial, du rythme et des esprits chez les Saramacas.

Ce texte hybride et incarné permet de découvrir une histoire et une culture.

Ernest London
Le bibliothécaire-armurier

DIEU T’A CRÉÉ, TU AS CRIÉ… !
Une histoire des Guyanes
Michel Alimeck
Illustrations de Catherine Combas
Préface d’Olson Kwadjani
226 pages – 11 euros.
Éditions Ròt-Bò-Krik – Sète – Mai 2022
rotbokrik.com/catalogue/dieu-t-a-cree-tu-as-crie
Publié à compte d’auteur en 1980.


Voir aussi :

MARRONNAGE, L’ART DE BRISER SES CHAÎNES

 

 


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