Dans un article de 1927 consacré au problème du fétichisme, Freud a évoqué la problématique de la croyance et défini la notion de Verleugnung (« désaveu », « répudiation », « déni de la réalité ») qu'il distingue du refoulement. Il prend l'exemple de l'enfant qui, découvrant l'anatomie féminine dépourvue de pénis, répudie le démenti que lui inflige la réalité pour conserver sa croyance à l'existence du phallus maternel, au prix d'une transformation radicale, d'un clivage du Moi. La croyance est abandonnée et conservée à la fois. Ce processus se présente régulièrement, de façon presque stéréotypée, lors d’analyses avec l'emploi de la formule « Je sais bien, mais quand même… ».
« Autrefois on croyait aux masques ». Les parents Hopi mystifient leurs enfants (un peu comme avec le Père-Noël chez nous) avec les Katcina, figures terrifiantes, jusqu’à l’âge de l’initiation : au cours de cérémonies impressionnantes, ils ôtent leurs masques et les initient à une « vérité mystique ». La croyance infantile est démentie mais poursuit son existence sous une forme adulte. Abandonnant sa forme imaginaire, Elle se symbolise pour ouvrir sur la foi. « À cause de nos préconceptions génétistes, nous faisons de l’enfance un moyen d’explication diachronique. » Mais l'enfant se charge, après répudiation, de nos croyances. La magie commence lorsque la croyance a subi une transformation après la Verleugnung et pris la forme d'une présence mystique et invisible, « la présence quand même en dépit du témoignage de la réalité ». « La Verleugnung suffit pour créer le magique. »
Très intéressant.
Ernest London
Le bibliothécaire-armurier
JE SAIS BIEN, MAIS QUAND MÊME…
Octave Mannoni
Préface de Sophie Mendelsohn
84 pages – 13 euros.
Éditions du Seuil – Paris – Mai 2022
www.seuil.com/ouvrage/je-sais-bien-mais-quand-meme-octave-mannoni/9782021507188
Paru initialement en janvier 1964 dans Les Temps Modernes.
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