16 juin 2024

DIX QUESTIONS SUR L’ANTIFASCISME

Le collectif antifasciste La Horde se prête à l’exercice de présentation en dix chapitres de la notion qui l’anime. « À la fois mouvement d'autodéfense et mouvement d'émancipation, pratique politique d'action directe, d'information, d'éducation populaire et de contre-culture, l'antifascisme est bien plus varié que l'image qu'il renvoie dans les médias et dans le monde politique, où on se plaît à le caricaturer. »

DÉFINITION :
Le terme apparaît en France pour la première fois à l'automne 1922 pour désigner les activités des opposant·es au parti fasciste de Mussolini. Le fascisme historique disparu, peu de groupes nationalistes français s’en réclament aujourd’hui explicitement. Ils n’ont d’ailleurs pas de programme politique abouti en dehors de vagues notions comme « identitaires » ou « souverainistes ». C’est pourquoi parler de lutte contre l’extrême droite est sans doute plus pertinent.
Quelques rappels historiques judicieux sont apportés, ainsi que différentes stratégies utilisées dont certaines ont contribué… à la victoire du nazisme et du fascisme ! Mouvement d’autodéfense populaire avant tout, l’antifascisme est bien une réponse à la violence constitutive des mouvements d'extrême droite et à celle de l’État. C'est aussi un projet de société égalitaire, émancipatrice et solidaire.

L’EXTRÊME DROITE :
C’est un courant politique qui défend une vision fondamentalement inégalitaire entre groupes prédéfinis d’individu·es, établie principalement selon des critères ethniques et de genre, et reposant sur cinq piliers idéologiques : le racisme (devenu « différentialiste », ne pouvant plus être biologique), le sexisme, le nationalisme, le traditionalisme et l’autoritarisme.

L’ANTIFASCISME HISTORIQUE (1922-1981)
Les auteurs reviennent rapidement sur quelques moments emblématiques : l’affaire Dreyfus (lorsque le fascisme n’existait pas encore), les années 1930, La Résistance dans laquelle était impliquée 2% de la population et dont les groupes les plus déterminés était souvent composés d’étrangers, la guerre d’Algérie et les luttes anticoloniales,…

L’ANTIFASCISME AUJOURD’HUI (1984-2023)
La Section carrément anti-Le Pen (SCALP), la Coordination nationale antifasciste (CNAF) qui réunit différents groupes autonomes, puis le réseau No Pasaran, le mouvement Ras l’Front, le Horde bien sûr et aussi SOS Racisme, se succèdent ou coexistent, défendant trois visions différentes : radicale, frontiste et électoraliste. Ces militants sont souvent caricaturés dans la figure du jeune homme tout en noir, le visage dissimulé, adepte de la confrontation physique. En parallèle, les auteurs rappellent les étapes de la montée du Front national, l’évolution et les activités des groupuscules nationalistes.

POURQUOI ÊTRE ANTIFASCISTE
Ils préconisent d’attaquer l’extrême droite sur le plan politique plutôt que sur le plan moral. « En faisant du “facisme“ un signifiant moral davantage qu'une opinion politique, on ne se donne pas les moyens de le combattre efficacement. » La lutte antifasciste ne doit pas se contenter de rester sur le terrain de la résistance mais prôner les valeurs égalitaristes, d’émancipation et de solidarité. L’ « antifascisme républicain » a réduit le combat à une lutte pour la démocratie, escamotant la critique de l'État et du capitalisme. Ce chapitre est particulièrement intéressant en ce qu’il permet de dissiper bien des confusions. L’ antifascisme ne peut faire l'économie d'une position clairement anticapitaliste car l'extrême droite est l'allié objectif du grand capital, tous deux ne cherchant qu’à détourner les laissé·es-pour-compte de la société de leurs intérêts de classe et de véritables revendications émancipatrices. L’attention portée aux groupuscules, souvent critiquée, est nécessaire car le fascisme émerge souvent de groupes marginaux. « Être antifasciste, c'est aussi lutter contre l'oubli. » Le négationnisme et ceux qui pensent qu’ « on n’a jamais essayé » peuvent être combattu par les livres d’histoire.

COMMENT ÊTRE ANTIFASCISTE
En rejoignant un groupe local qui :

  • génère de l’information et la déconstruction des discours de l’extrême droite,
  • marque son opposition de façon symbolique ou physique, en manifestant pour empêcher un évènement par exemple,
  • organise la solidarité, en priorité à l'égard des victimes de l’extrême droite.


LA QUESTION DE LA VIOLENCE
À la représentation stéréotypée de « l'antifa » associé à la violence, les auteurs répondent qu’aller de façon offensive à la rencontre de l'extrême droite brise l’image terrifiante qu'elle pense et souhaite donner, sans, bien évidemment, que la recherche de l'affrontement ne devienne une fin en soi. « Reflet de sa vision du monde dominée par l'image de la guerre entre groupes “naturellement“ antagonistes, la violence de l'extrême droite est un élément constitutif de son identité et de son folklore », cependant la riposte antifasciste doit être proportionnelle à la menace que représente le groupe qu’elle vise. La violence de l’extrême droite est réelle, c’est pourquoi il est nécessaire d’organiser l’autodéfense, d’autant qu’on ne peut faire confiance à l’institution policière. « Le meilleur moyen pour empêcher l'extrême droite d'apparaître publiquement, c'est de lui faire sentir qu'elle n'est nulle part chez elle. »

UNE CONTRE-CULTURE
Présentation des symboles, chants, groupes de musiques, festivals, clubs de supporters antifascistes.

LIENS AVEC LES AUTRES LUTTES
« Si, dans une perspective antifasciste, le combat antiraciste doit sortir du piège identitaire dans lequel on tente de l'enfermer pour se replacer dans un cadre égalitaire, il doit aussi être amené en priorité par les premières et premiers concerné·es. » L’islamophobie détourne du discours de classe vers un enjeu de civilisation. Il faut la dénoncer dans le cadre d'une exigence d'égalité des droits, non pour défendre des revendications spécifiques. Et la mise en concurrence des différentes formes de racisme suit les mécanismes de celui-ci.
L'antisexisme rejoint naturellement l'antifascisme car l'extrême droite est opposée au féminisme et aux luttes LGBTQIA+.
« Historiquement, l'antifascisme est internationaliste et s’affranchit des frontières. »
De nombreux groupes antifasciste autonomes apportent leur soutien aux luttes anticoloniales, en Nouvelle-Calédonie par exemple, ou indépendantistes. Ces soutiens aux peuples qui subissent l'oppression d'un État qui cherche à les faire disparaître, ne se font pas au nom du nationalisme mais d'un idéal d'émancipation qui souhaite mettre en place une société ouverte.
L'extrême droite a intégré la question écologique en reprenant à son compte la notion de localisme, au nom de la défense de la « ruralité », et en associant protection de la nature à protection de l’identité, sans remettre en cause le capitalisme industriel.

LA GRANDE CONFUSION
De nombreux pièges réthoriques visent à discréditer l’antifascisme : l'invocation de la liberté d’expression, la caricature et l’inversion, la pseudo-notion d’islamogauchisme, la récupération de la résistance, que les auteurs démontent un à un.

Comme les autres titres de cette collection, celui-ci synthétise une notion et une pratique en répondant à une poignée de questions pertinentes. À faire lire de toute urgence à celles et ceux qui pourraient encore avoir des doutes. Utile manuel argumentaire contre la (dangereuse) connerie ambiante.

Ernest London
Le bibliothécaire-armurier


DIX QUESTIONS SUR L’ANTIFASCISME
La Horde
210 pages – 10 euros
Éditions Libertalia – Montreuil – Septembre 2023
www.editionslibertalia.com/catalogue/dix-questions/dix-questions-sur-l-antifascisme


Voir aussi :

ANTIFA : Histoire du mouvement antifasciste allemand

LES BLACK BLOCS - La liberté et l’égalité se manifestent

 

 

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