23 septembre 2018

LE NOIR QUI INFILTRA LE KU KLUX KLAN

Récit d’une incroyable enquête : avec un culot monstre, Ron Stallworth, premier policier noir de Colorado Springs parvient à se faire accepter par le Ku Klux Klan. Si un de ses collègues, blanc, le représente physiquement aux réunions, il parvient à bluffer toute la section locale par téléphone et à gagner les grâces du Grand Sorcier David Duke, le responsable national.
Outre leur idéologie et leurs méthodes que l’on découvre de l’intérieur, c’est l’histoire du mouvement qui nous est succinctement rapportée, notamment grâce aux archives du FBI auxquelles il a accès, ainsi que les relations avec les autres organisations d’extrême-droite américaine : le Posse Comitatus et l’American Nazi Party. Le cocasse des situations domine et l’auteur prend un malin plaisir à rapporter son inimaginable infiltration et les rires qu’elle suscitait. Sa jubilation culmine et déborde, lorsque, contraint d’être le garde du corps de David Duke, il parvient à se faire photographier avec lui, provoquant sa colère : « Tout en scrutant l’image qui apparaissait sur le Polaroïd, j’ai pensé à mes ancêtres spirituels : noirs et blancs, protestants, catholiques et juifs, qui, au fil des décennies, s’étaient bravement battus contre la brutalité du Ku Klux Klan. Ils avaient perdu, faute d’une position de domination ou de contrôle, telle que j’en bénéficiais ce jour-là. »
Il n’est pas souvent donner de rire sur un tel sujet !

Spike Lee a rajouté quelques ingrédients romanesques dans son adaptation : une histoire d’amour, un fin raciste puni à la fin du film, un attentat, en restant toutefois assez fidèle à l’esprit de ce livre. L’épilogue coup de poing qui rappelle aux spectateurs joyeux après une heure trente de comédie, la réalité de cette idéologie violente aujourd’hui encore, avec le meurtre d’Heather Heyer à Charlottesville en août 2017 et les discours de Trump, copiés-collés du programme du Klan, reprend les dernières pages de conclusion de l’auteur. Celui, lucide, reste néanmoins optimiste : « Si un seul Noir, épaulé par une poignée de Blancs et de Juifs motivés, progressistes et éclairés, est capable de l'emporter sur une bande de racistes et de montrer quels abrutis illettrés ils sont vraiment, imaginez ce que pourrait accomplir une nation entière, animée par le même état d’esprit. » Cependant, cette tentative de changer le système de l’intérieur se solda par la découverte de quelques membres du Klan au sein des services de défense nationale et l’entrave à la mise à feu de deux croix. L’enquête fut brusquement interrompue et enterrée, les dossiers détruits et quarante ans plus tard et le plus haut sommet de l’État prône une politique ouvertement et foncièrement raciste.





LE NOIR QUI INFILTRA LE KU KLUX KLAN
Ron Stallworth
Traduit de l’anglais par Nathalie Bru
240 pages – 14 euros
Éditions Autrement – Paris – Août 2018
Publication originale : Black Klansman : Race, hate, and the undercover investigation of a lifetime – Flatiron Books – 2014

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