À peine Le Monde a-t’il, quelques jours plus tard, rapporté et dénoncé ses propos, déclenchant une vive polémique, qu’aussitôt une campagne s’organise pour la désamorcer et retourner les critiques contre leurs auteurs.
Finkielkraut, tout d’abord, assure lui même sa défense et se déclare victime d’un « hallali », se présentant en martyr, victime d’une vindicte née de rien. Puis, journalistes et politiques se relaient pour dénoncer un « lynchage médiatique ». L’auteur décortique minuscieusement les mécanismes mis en oeuvre pour renverser l’accusation, analysant scrupuleusement les différentes prises de position. Ainsi, le « vertueux médiatique » stigmatisé par Élisabeth Lévy (Le Point), le « bien-pensant » dénoncé par Nicolas Sarkozy, le « politiquement correct » pourfendu par Pascal Bruckner, s’acharneraient à dénicher le racisme dans quelques plaisanteries, par… antisémitisme !
Avec la même minutie, il démontre que ce procédé est coutumier de la « nouvelle réaction ». Ainsi, dès novembre 2003, Finkielkraut signait un ouvrage, Au nom de l’autre. Réflexions sur l’antisémitisme qui vient, dans lequel il « raille délibérément les Français(e)s qui ont battu le pavé contre l’extrême droite » en avril 2002, qu’il accuse… d’antisémitisme. Selon lui, le péril antiraciste vient des rangs de ceux qui se battent pour le respect des altérités, des rangs de « l’inconditionnel de l’Autre » : « l’antisémitisme qui vient » est une sympathie pour la souffrance des palestiniens. « C’est ici l’une des toutes premières apparitions de l’un des théorèmes les plus imbéciles de l’histoire des idées. En vertu de ce théorème, la moindre critique du gouvernement israélien devient, d’abord, de l’ « antisionisme », puis, d’un coup de baguette magique, de l’ « antisémitisme ». » Dans les années 1980, Noam Chomsky prévenait déjà du recours, de plus en plus fréquent aux États-Unis, aux accusations d’antisémitisme afin de réduire au silence les critiques d’Israël.
Finkielkraut écrit également que « L’avenir de la haine est dans leur camp et non dans celui des fidèles de Vichy. » Déjà en 1990, pendant l’éclatement de la Yougoslavie, il affichait son soutien au nationaliste croate Franco Tudjman, dont il supportait l’antisémite et les tentatives de réhabilitation du régime oustachi d’Ante Pavelic. Sa "thèse" part du principe que l’antiracisme est une idéologie, « l’idéologie de notre temps », qui réduirait la complexité du monde à deux camps, selon la grande antithèse de la discrimination et des droits de l’homme, celui des oppresseurs qui ont le visage du nazis et celui des opprimés. Les Juifs n’étant plus opprimés, ils seraient donc des nazis !
En 2003, parait également La Nouvelle judéophobie de Pierre-André Taguieff, dans lequel celui-ci explique que les incidents antijuifs se multiplient (ce qui est absolument faux dans la période qu’il évoque) dans l’indifférence générale, politique et médiatique (ce qui n’est pas plus vrai). Il attribue ce nouvel antisémitisme aux fondamentalistes musulmans et à la gauche antilibérale (« les héritiers du tiers-mondisme ») coupable de sympathie pour le sort des Palestiniens. Selon lui, « pour les nouveaux antijuifs, tous les malheurs du monde s’expliquent par l’existence d’Israël ». Il accuse Noam Chomsky, pourtant considéré par le New York Times comme « sans doute l’intellectuel vivant le plus important », d’être « un des maîtres à penser du néoconspirationnisme d’extrême gauche ».
En 2005, le journaliste Alexis Lacroix explique dans Le Socialisme des imbéciles. Quand l’antisémitisme redevient de gauche, que l’antisionisme (c’est-à-dire l’attention portée au sort des Palestiniens) est un antisémitisme, en amputant tout autant la vérité.
Point par point, Sébastien Fontenelle démontre les incohérences et la malhonnêteté intellectuelle de ces « pourchasseurs de l’antisémitisme » , dénonce leurs calomnies. « L’anti-antisémitisme d’un Finkielkraut ou d’un Taguieff est une posture, doublée d’une imposture. »
Renaud Camus, raciste et antisémite de manière obsessionnelle dans ses écrits, rencontre pourtant la compréhension de Finkielkraut et de Taguieff qui n’hésitent pas un instant à le défendre, l’excuser et le réhabiliter, victime lui aussi d’un nouveau totalitarisme. Henri de Fersan, militant d’extrême droite, a, le premier, théorisé L’Imposture antiraciste, qui est justement le titre d’un ouvrage dans lequel il dénonçait, en 2001, le « racisme anti-Blanc ». Comme ils n’assument pas complètement cette proximité, ils se présentent en briseurs de tabous , rebelles iconoclastes qui « cassent le clivage gauche-droite ». Ils ont fabriqué un nouvel ennemi auquel ils appliquent les recettes utilisés contre le précédent, le « communiste » soviétique, en stigmatisant désormais le musulman comme « intégriste potentiel » (Pierre-André Taguieff).
En appendice à cette seconde édition, Sébastien Fontenelle cite de nouvelles déclarations, notamment lors de la campagne électorale de 2007 qui vit appliquer une « entreprise de subversion de la réalité » : quiconque n’aimait pas Sarkozy était accusait comme héritier du nazisme. La sarkophibie devint un antisémitisme. « Les masques sont tombés. Voici venu le temps de la démagogie infecte, qui « ose » enfin énoncer les pires saloperies. Le temps d’une levée générale des scrupules. Le temps où les intellectuels de régime rendus fous par leur impunité peuvent impunément cracher des mots immondes ».
Ce pamphlet virulent appuie sa démonstration sur une solide documentation. Il permet de mieux comprendre la logique intrinsèque de discours excessifs, odieux et de plus en plus décomplexés.
LA POSITION DU PENSEUR COUCHÉ
Petites philosophies du sarkozysme
Sébastien Fontenelle
202 pages – 7 euros.
Éditions Libertalia – Paris – Janvier 2008
www.editionslibertalia.com
Première publication : Éditions Privé - Janvier 2007
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