25 janvier 2021

LE DZIKUS - Mon adolescence, dans la résistance, des hauts-fourneaux à Buckenwald

« Même si ça n’intéresse plus grand monde, ces vieilles histoires de Grand Soir et d’avenir radieux », Victor Djlida (1926-1997), dit la Dzikus (le sauvageon, en polonais), raconte son enfance dans le bassin minier lorrain, la Résistance qu’il rejoint naturellement à 16 ans, son arrestation et sa déportation.

« Dans tous les pays, des nuées d’uniformes casqués et bottés, appointés par les fascismes naissants, chassaient les damnés de la Terre vers un ailleurs aux frontières sans cesse repoussées. » Victor Djlida est né le 30 avril 1926, dans la région de Minsk, en « Pologne russe », l’année où Pilsudski instaurait la dictature. En avril 1929, avec sa mère et sa petit soeur, il rejoint son père et son oncle, embauchés dans une mine de fer en Lorraine, où ceux-ci ont trouvé refuge après avoir fuit clandestinement, à la suite d’une manifestation, pour échapper à la répression. Il raconte leur installation dans la « Tsinganskaïa », quartier de Trieux où les immigrés italiens et polonais sont logés à raison de deux familles par maison. « Pour mes parents, la France, malgré les bourgeois qui y étaient visiblement aussi avides et mesquins qu’ailleurs c’était quand même préférable à la Pologne. Nous avons spontanément mis en application un des trois termes de sa devise nationale : “Fraternité“. Cette valeur humaine inscrite au frontispice des bâtiments se propageait le plus souvent parmi les humbles, les désintéressés, les vrais gens de coeur. » Il raconte les accidents à la mine, les grèves, le licenciements des meneurs, les « dégraissages », l’assaut des gardes mobiles : « Quand j’ai vu ces ordures charger des gens désarmés qui imploraient simplement de quoi manger, j’ai ressenti la première envie de meurtre de ma vie. Ça m’a pris en entier. En corps et en pensée. » Alors que son père se retrouve sans travail pendant plus d’un an, ils seront nourris, en complément de ce qui pouvait être glané, par la famille italienne, « solidarité de voisinage qui n’existe plus aujourd’hui ». « On crevait de faim tous ensemble. Ces choses-là, ça ne s’oublie pas. »
À dix ans, son renvoi du catéchisme pour avoir jeté son livre au visage du curé, lui vaut une mise en quarantaine par les enfants du quartier d’Homécourt où ils ont déménagé, en même temps qu’un certain prestige. 1936 leur apporte une victoire sans combat. La grève a peu touché la région : « les immigrés n’ont pas le droit à la parole. » C’est surtout la lutte contre le fascisme, en Espagne, dont on parle beaucoup. Puis les troupes nord-africaines sont envoyées sur les fortifications de la ligne Maginot à une vingtaine de kilomètres. Les premiers bombardements touchent les installations industrielles où travaille son père. Dans une caserne abandonnée avant l’arrivée des troupes allemandes, il découvre et récupère quelques centaines de grenades. Puis, avec quelques compagnons, il se rend clandestinement en Lorraine annexée où rien ne manque, acheter des denrées qu’il distribue dans la cité ouvrière, pille des wagons de marchandises, glisse des tracts imprimés par la Résistance, fait passer la frontière à des prisonniers évadés et apprend par l’un d’eux l’existence du camp d’extermination d’Auschwitz. Fort de ces expériences, il rejoint les FTP, prend Jules pour pseudo mais doit tout de même modérer son envie d’en découdre immédiatement :  « Vois-tu, en 40, tout de suite après m’être tiré, j’ai retrouvé des copains de l’armée qui avaient de bonnes intentions… On a récupéré des armes, on écoutait Radio-Londres. Et puis il a été question de passer à l’action. Que faire ? Attaquer les sentinelles, faire sauter les trains, couper les lignes téléphoniques ? Il y en a toujours eu pour estimer que ce n’était pas le moment, qu’on allait faire courir de gros risques aux civils, etc. En fin de compte, j’ai changé de crémerie… Avec nous, tu perds pas ton temps. Mais ça ne signifie pas qu’on va se mettre à mitrailler à tort et à travers. Qu’est-ce qu’on veut ? Leur foutre la patoche, les empêcher de se sentir ici comme chez eux. Et montrer aux gens que les Frisous ne sont pas invincibles. »

Témoignage extrêmement vivant, captivant, avec même quelques épisodes complètement romanesques, essentiel pour servir à l’histoire de l’immigration ainsi qu’à celle de la Résistance.
Une importante notice biographique suit ce récit qui s’arrête à la Libération du camp de Buchenwald. On apprendra comment et pourquoi Victor Djlida passera encore plus de quarante-et-un ans en prison.




LE DZIKUS
Mon adolescence, dans la résistance, des hauts-fourneaux à Buckenwald
Victor Dojlida
Avant-propos de Charles Maestracci
298 pages – 14 euros
Éditions L’Insomniaque – Paris – Octobre 2020
www.insomniaqueediteur.com/publications/dzikus








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