Marie-Hélène Dumas retrace rapidement l’histoire de la famille Pankhurst chez qui se réunissent régulièrement de nombreux militants politiques, dont Kropotkine, Malatesta, Louise Michel qui marquera l’imagination de Sylvia. Le père de celle-ci, Richard, meurt alors qu’elle a seize ans. Elle milite pour le mouvement des suffragettes dès sa fondation en 1903. Pendant ses études au Collège royal des arts de Londres où elle obtient une bourse, elle se rapproche du syndicaliste Keir Hardie, premier député travailliste, avec qui elle va pouvoir partager ses idées. « Si elle s’est tournée petit à petit vers le communisme, c’est parce qu’elle en est venue à penser que les injustices commises envers les femmes trouvaient racine dans le système parlementaire capitaliste qui exploitait tous les travailleurs, quel que soit leur sexe. Pour elle, seul le renversement du capitalisme et du colonialisme permettrait un jour aux femmes du monde entier non seulement d’obtenir le droit de vote, mais de devenir les égales des hommes. » En 1906, elle est arrêtée pour la première fois lors d’une manifestation devant la Chambre des communes. En 1907, elle parcourt le nord de la Grande-Bretagne, rencontre des ouvrières, des pêcheuses écossaises, des travailleuses des mines, qu’elle dessine et peint. Elle participe à des réunions ou en organise partout où elle s’arrête, constate les inégalités qui règnent entre les hommes et les femmes. En 1911, elle publie The Suffragette, un volume de cinq cents pages dont elle ira assurer la promotion aux États-Unis, pendant plusieurs mois, prononçant jusqu’à trois allocutions par jour, devant des salles combles. En 1912, elle s’installe dans l’East London pour y faire naître un mouvement de masse, par opposition aux actions organisées par des privilégiées, comme sa mère et soeur ainée Christabel avec qui les divergences ne cessent de s’aggraver. En 1914, la Fédération de l’East End qui souhaite conserver son fonctionnement démocratique et ne pas se contenter d’obéir aux ordres de l’Union, devient autonome et se dote d’une publication : Women’s Dreadnought. Avec l’éclatement du premier conflit mondial, les dissensions atteignent un point de non-retour : « l’Union glisse du féminisme élitiste vers le militarisme » avec un zèle patriotique forcené, tandis que la Fédération des suffragettes d’East London prend position contre l’effort de guerre. Celle-ci s’implante dans d’autres banlieues de Londres, puis en province, au pays de Galles et en Écosse. Sylvia Pankhurst agit politiquement pour abolir la pauvreté en organisant des centres de distribution de lait, des restaurants communautaires à prix coûtant, des centres de soins, des garderies, une fabrique de chaussures et une de jouets, organisées selon des principes de solidarité et de collaboration.
Un projet de loi, adopté en 1918, accorde le droit de vote aux femmes de plus de 30 ans, propriétaires ou mariées à un propriétaire. Le Dreadnought ouvre ses colonnes à la révolution russe, aux analyses des mouvements ouvriers et des mouvements révolutionnaires d’Irlande, de Grèce, de Bulgarie, d’Italie, d’Autriche-Hongrie et d’Allemagne. Sylvia Pankhurst se consacre pleinement à la lutte révolutionnaire pour l’avénement d’une société sans classe, débarrassée de l’exploitation, de la misère, de l’oppression, de la guerre et du nationalisme. « Elle défend l’idée de soviets sociaux, conseils qui doivent être établis là où les gens vivent et non où ils sont employés et impliquent ainsi la classe ouvrière toute entière, y compris les femmes qui ne travaillent pas à l’extérieur, les hommes au chômage, les enfants et les personnes âgées. » Elle rejette les compromis et les agenouillements, sera progressivement marginalisée puis oubliée : « J’ai créé quatre cliniques et je suis restée nuit après nuit au chevet des enfants. J’ai aussi mis en place une crèche, mais ces expériences m’ont toutes montré qu’essayer de remédier au système était inutile. C’est un mauvais système et il doit être anéanti. Je donnerais ma vie pour ça. »
Dans les années 1930 elle a lancé une campagne contre le fascisme italien qui la conduira dans « la dernière citadelle de l’homme noir », l’Ethiopie, seul pays d’Afrique qui n’avait jamais été colonisé. Elle dénonce les atrocités commises par l’armée italienne et décrit la résistance dans les colonnes de son nouvel hebdomadaire, le New Times and Ethiopia News qui sera le seul journal d’Angleterre à publier l’intégralité de l’intervention d’Haïlé Sélassié à la Société des nations le 30 juin 1936 : « Monsieur le président, messieurs les délégués, je suis aujourd’hui ici pour réclamer la justice qui est due à mon peuple et l’assistance qui lui a été promise il y a huit mois lorsque cinquante nations affirmèrent qu’une agression avait été commise en violation des traités internationaux. » De la même façon, pendant trois ans, elle rendra compte de la lutte des républicains espagnols et s’élèvera contre la non-intervention de la France et de l’Angleterre.
En 1955, à 73 ans, elle part s’installer à Addis-Abeba où elle meurt en 1960.
Passionnante biographie de la plus méconnue des Pantkhurst : Sylvia, qui n’a eu de cesse d’appliquer au quotidien « ses convictions égalitaires, autogestionnaires, antihiérarchiques et antiautoritaires ».
SYLVIA PANKHURTS
Féministe, anticolonialiste, révolutionnaire
Marie-Hélène Dumas
218 pages – 10 euros.
Éditions Libertalia – Montreuil – Octobre 2019
www.editionslibertalia.com/catalogue/poche/sylvia-pankhurst-feministe-anticolonialiste-revolutionnaire
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