30 novembre 2022

LEONE GINZBURG

Leone Ginzburg (1909-1944), né à Odessa et émigré à Turin dans son enfance, fut un intellectuel majeur de la lutte antifasciste en Italie. Au lycée puis à l’université, il fait partie d’un groupe de passionnés et de curieux, dont Cesare Pavese et Giulio Einaudi, avec qui il fondera ensuite la Casa Einaudi, l’une des principales maisons d’édition italiennes. En marchant dans ses pas, Florence Mauro revient sur les lieux qu’il côtoya et s’attache à reconstituer des atmosphères, à restituer des émotions, des sentiments. Son enquête de terrain aboutit à cette biographie très sensible et intimiste, comme celle d’ « une sorte de grand frère auquel j’aurais rêvé debout », annonce-t-elle en introduction.
Elle recherche ainsi ses traces à Odessa, dans les établissements scolaires, les cafés qu’il fréquenta, les quartiers et les immeubles où il vécut, et explore ses nombreuses influences, en premier lieu celles de ses professeurs et de ses auteurs de prédilection.
Sa double origine, russe et italienne (il obtient la nationalité en 1931), influence certainement son goût pour les littératures du monde, son attirance pour la traduction. Avec Pavese, il va fortement contribuer à « ouvrir l’Italie à la culture italienne et américaine ». Comme éditeur et traducteur, il fait « de son acte de langage un acte politique » contre le régime en place.
Dès 1935, il ne cesse d’être surveillé, considéré comme « pericoloso in politica » perquisitionné, incarcéré, pour ses prises de position radicales et sa participation active au groupe Giustizia e Libertà. « La police a particulièrement peur de ces intellectuels incontrôlables, qui pour certains, sont habités d’un tel sens des valeurs morales que rien ne peut les faire ciller. »
Avec l’entrée en guerre de l’Italie en 1940, il est envoyé, avec sa femme et ses fils, dans les Abruzzes, comme « prisonniers civils de guerre » : « Je vous laisse imaginer alors le sentiment de mélancolie et de colère que me donne le fait d'être considéré comme étranger dans mon propre pays. » En effet, avec les lois raciales, il a perdu la citoyenneté italienne, mais refuse de partir aux États-Unis. Au moment de l’armistice, le 8 septembre 1943, il entre dans la clandestinité. Arrêté en novembre, il est transféré dans la section nazie de la prison, torturé, et meurt le 5 février 1944.

Dans l’Italie et l’Europe d’aujourd’hui, alors que ressurgissent les mêmes tentations autoritaires et nationalistes, sous d’autres noms, le parcours de cette personnalité, son intransigeance, sa radicalité morale, méritent sérieusement d’être étudiée.

Ernest London
Le bibliothécaire-armurier


LEONE GINZBURG
Un intellectuel contre le fascisme
Florence Mauro
256 pages – 12 euros
Éditions Creaphis – Grâne (26) – Septembre 2022
www.editions-creaphis.com/fr/catalogue/view/1265/leone-ginzburg-un-intellectuel-contre-le-fascisme/?of=0



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