Débutée en 1827, la « pacification » de l’Algérie ne s’acheva qu’en 1871 après avoir écrasé de nombreuses résistances dans le sang. Créés en 1848, les trois départements français d’Algérie furent progressivement colonisés par des populations du sud de la France puis d’Alsace-Lorraine, conquise par l’Allemagne, rejointes par des Espagnols, des Italiens et des Maltais en nombre presque aussi important et naturalisés en 1889. La spoliation des terres et le développement de l’agriculture productiviste favorisèrent l’émergence rapide de grands propriétaires et creusèrent les inégalités. La crainte de la majorité musulmane, transformée en racisme, occultait toute possibilité de lutte des classes.
C’est avec une ironie corrosive que ce cours d’histoire en bandes dessinées nous est donné, rendant l’exercice plus digeste. L’humour s’avère un outil critique efficace : il dénonce sans besoin de démonstration ni considération moralisatrice.
En Tunisie et au Maroc, la France instaura des protectorats. Leurs dirigeants ayant contracté des dettes importantes, il fut facile de les soumettre, de les maintenir en place tout en les liant par des traités qui leur offraient protection, contre les vélites colonisatrices des autres puissances européennes et les rébellion indigènes, en échange de la mise à disposition des terres, des ressources naturelles et de la main d’œuvre : traité du Bardo en 1881 et traité de Fès en 1912. Ce ne fut pas sans violences, pillages et destructions, mais comme le précise le Général de Gaulle, narrateur de cette leçon d’histoire « croyez-moi, ce n’était pas de gaité de cœur. Mais quand on a en face de soi des gens arrogants et mal-polis alors que sans l’argent de nos banques, leur pays serait en faillite, ce n’est pas facile de maîtriser ses nerfs. »
C’est en contenant difficilement son envie d’éclater de rire qu’il raconte ensuite la Conférence de Berlin pendant laquelle, en 1884, 14 pays se partagèrent l’Afrique Noire. Ils s’engageaient à maintenir l’ordre et à respecter les frontières, pour garantir la bonne marche des échanges commerciaux. Léopold II, roi des belges, réclama, pour possession personnelle, le Congo, un territoire soixante-seize fois grand comme son pays. Et l’armée française mis en place de nouveaux protectorats, en causant beaucoup de victimes, montant les tribus les unes contres les autres. Parfois, des troupes échappaient au contrôle de la métropole, comme la colonne Chanoine et Voulet par exemple qui sema la terreur du Sénégal au lac Tchad : destruction de Ouagadougou et de nombreux villages, extermination brutale et systématique des populations. Il fallu envoyer des troupes pour stopper sa folie sanguinaire.
Il rappelle que les insurgés de la Commune de Paris, déportés au bagne en Nouvelle Calédonie, furent utilisés dans la répression contre la grande révolte des Canaques en 1878. Il affirme que si la Compagnie des Indes n’avait pas été réduite à néant par les anglais pour empêcher les français de bâtir un véritable empire en Inde et y « planter du thé sur des millions de kilomètres carrés ». « Si nous étions restés, nous aurions planté du maïs à ensilage pour nourrir les vaches sacrées, elles auraient quand même eu meilleure mine. » Après la guerre du Tonkin (1881-1885) qui stoppa l’influence française en Chine, naquit, en 1887, l’Union Indochinoise.
« En 1914, le bonheur régnait dans nos colonies enfin pacifiées. Mais la première guerre mondiale vint briser cette harmonie. » De nombreux hommes originaires de ces territoires « s’engagèrent d’eux-mêmes dans nos armées et donnèrent leur vie pour défendre un certaine idée de la France, patrie des Droits de l’Homme, du respect des cultures et par dessus tout, de la liberté des peuples à disposer d’eux-mêmes. »
L’auteur, qui maitrise parfaitement son sujet tout en retenant l’essentiel, parvient à conserver ce ton, d’une redoutable et mordante efficacité, sur toute la longueur. À chaque page, un strip sans parole de quelques cases complète le texte historico-ironique, très souvent en contrepoint, pour aller au delà d’un propos plutôt que de l’illustrer consciencieusement. Ces scènettes à chute viennent renforcer la satire.
Pédagogique et distrayant à la fois : comprendre la colonisation, ses enjeux, ses méthodes. « Tout français à le droit de savoir ce qui s’est réellement passé car ça finira par se savoir un jour. »
PETITE HISTOIRE DES COLONIES FRANÇAISES.
Tome 2 : l’Empire
Grégory Jarry et Otto T.
Éditions FLBLB – Poitiers – 2007
126 pages – 13 euros
http://flblb.com/
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