Je reprends du service pour une émission exceptionnelle sur l’enfouissement des déchets nucléaires. »
Avec leur habituel sens de la pédagogie, teinté d’un humour noir redoutable, Grégory Jarry et Otto T. racontent la grande épopée de l’énergie nucléaire, de Marie Curie à Fukushima, avant de revenir sur la mobilisation des habitants des Deux-Sèvres contre un projet d’enfouissement de déchet nucléaire dans leur granit natal.
Récompensée par des prix Nobel, la famille Curie a beaucoup fait avancer la science dans ce domaine. « Marie Curie est morte d’une leucémie en 1934, mais il a fallu attendre 1995 pour que François Mitterrand reconnaisse officiellement que c’était un accident du travail et fasse transférer ses cendres au Panthéon. » Uranium 235, plutonium 239 : le bocage de la Gâtine se prête particulièrement à nous en révéler tous les mystères.
Après la Seconde Guerre mondiale, l’obstination du Général de Gaulle pour que la France demeure parmi les grandes puissances, l’amena à créer dès 1945 le Commissariat à l’Énergie Atomique (CEA). Parallèlement à la recherche civile qui devait assurer la production d’électricité, la mise au point de la bombe atomique était menée beaucoup plus discrètement. La première explosa en février 1960 à Raggane, dans le département français du Sahara. Au prétexte d’assurer l’indépendance énergétique du pays, un vaste programme de construction de réacteurs fut lancé, juste après le premier choc pétrolier du à la brutale augmentation du prix du baril par les pays exportateurs réunis au sein de l’OPEP, afin que les États-Unis et les pays occidentaux renoncent à soutenir Israël et reconnaissent l’État palestinien. Avec 58 réacteurs, la France répond à 80% de ses besoins en électricité (ce qui ne représente que 18% de l’ensemble des besoins énergétiques !). Reste le problème des déchets qui ne cessent de s’accumuler et dont certains ont une durée de vie de plusieurs millions d’années.
En 1987, le département des Deux-Sèvres est choisi, avec trois autres, pour accueillir un site d’enfouissement. On comprend comment les élus étaient fortement incités à accepter le projet et à convaincre la population de son bien fondé, moyennant de très généreuses subventions. Le projet, qualifié par la presse de « poubelle nucléaire », avait tout de même beaucoup de mal à passer et la mobilisation s’organisa rapidement. Faute de parvenir à convaincre, malgré les efforts déployés, la raison d’État fut alors invoquée parce que « la démocratie, ça va bien cinq minutes, et qu’en fin de compte, le plus fort a toujours raison ».
Un vaste réseau de surveillance se mit en place : chacun étant chargé de communiquer une information à cinq personnes pour mobiliser le plus grand monde en un temps record. 10 000 lettres furent envoyées au Premier ministre : « “Cher Jacques Chirac, si tu n’arrêtes pas tout de suite le projet d’enfouissement de déchets radioactifs, François Mitterrand repassera en 1988, bon après tu l’emporteras en 1995 mais comme un imbécile tu prononceras la dissolution de l’Assemblée nationale en 1997 et tu auras une cohabitation avec Lionel Jospin. À toi de voir.“ Bien entendu, Jacques Chirac ne tint pas compte du conseil et la prophétie se réalisa mot pour mot. » Les actions se multiplient : dépôt de 50 tonnes de granit dans la cour de l’Andra (opération Obélix), badigeonnage de ses bâtiments avec du goudron et des plumes (opération Lucky Luke), occupation du terrain concerné,… En février 1990, le Premier ministre Michel Rocard publie un moratoire suspendant les travaux d’enfouissement.
En ces temps d’impuissance, les seules luttes victorieuses ne peuvent guère plus qu’entraver et empêcher des projets. Elles sont peu fréquentes, aussi est-il d’autant plus important d’en conserver la mémoire. Surtout si l’on peut joindre, dans le même temps, acquisition de savoirs dans un domaine technologique de pointe et franche rigolade.
VILLAGE TOXIQUE
Grégory Jarry et Otto T.
128 pages – 15 euros
Éditions FLBLB – Poitiers – Novembre 2015
www.flblb.com/catalogue/village-toxique
En coffret avec LA CONQUÊTE DE MARS et PETITE HISTOIRE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE
472 pages – 39 euros
Éditions FLBLB – Poitiers – Octobre 2020
www.flblb.com/catalogue/coffret-trois-autres-mondes-sont-possibles
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