Vinci c’est 6 363 kilomètres d’autoroutes, 1,4 million de places de stationnement payant dans le monde, des aéroports, des TGV, mais aussi des stades, des hôpitaux, des prisons grâce aux partenariats public-privé (PPP). Derrière une communication centrée sur l’écologie, la responsabilité sociale, l’enquête de Nicolas de La Casinière révèle des pratiques de prédateur qui impose ses méthodes au monde économique et aux collectivités.
Les dirigeants de Vinci vont partie de cette oligarchie décomplexée qui a fait de l’État un marché. Antoine Zacharias, sous sa présidence de 1997 à 2006, a multiplié le chiffre d’affaire du groupe par trois et le résultat net par 21, relevé son salaire de 44% entre 2003 et 2005 : 2 500 euros de l’heure soit 4,2 millions par an, plus 173 millions de stocks options sur 5 ans. À tel point qu’il a été condamné pour « délit d’abus de biens sociaux assis sur un abus de pouvoir ». L’organisation en filiales du groupe, galaxie de petites PME, favorise le dumping sur la main d’œuvre par l’interim et la sous-traitance tout en l’évacuant de l’effectif direct, externalisant les risques, voire l’illégalité. Un salarié sur un chantier Vinci en France peut ainsi être rémunéré 610 euros par mois pour 40 heures de travail par semaine. Dans le même temps, une communication habile défend les valeurs d’humanisme et 15 000 euros sont versé chaque année au Comité contre l’esclavage moderne.
Nicolas de La Casinière revient sur l’histoire complexe des sociétés qui vont donner naissance au groupe Vinci, s’attardant sur celles que l’histoire officielle n’évoque jamais. L’un des fondateurs, Louis Loucheur, plusieurs fois ministre, notamment de la Reconstruction industrielle, fut tour à tour accusé d’être un « profiteur de guerre » puis un « profiteur de paix ». Pendant la Seconde Guerre mondiale, 80% de l’activité du BTP français est effectué pour le compte de l’Allemagne. Mais, des protections politiques permettront de classer la plupart des poursuites pour collaboration. Pendant les années 1980, les marchés de l’eau, le BTP et les ventes d’armes sont les plus touchés par la corruption, contraignant la Générale des eaux à changer de nom pour devenir Vivendi en 1998. En 2000, celle-ci, pour se concentrer sur d’autres activités, se sépare de la SGE qui fusionne avec la GTM pour devenir Vinci, leader mondial du BTP devant Bouygues.
Le groupe se présente à la fois comme un géant international et comme une constellation de 2 500 entreprises « à taille familiale », faisant semblant qu’elles sont toutes indépendantes, sans préciser qu’elle doivent remonter 6% au groupe. Quatre pôles sont développés : la construction, la route, l’ingénierie électrique et les concessions (autoroutes, parking, aéroports, ponts.)… Si ces dernières ne produisent que 12% de chiffre d’affaires, elles régnèrent 46% des profits en 2012.
Avec les plans d’austérité imposés aux pays du sud de l’Europe, Vinci absorbe les 10 aéroports portugais.
« Le marché des autoroutes relève d’un capitalisme d’accointance. Une exception française. Après avoir imposé le système du péage, l’État a privatisé ses investissements, organisant la captation de latente au profit de quelques grands groupes. » Les bénéfices d’ASF, par exemple, vont bondir de 78% en six ans.
La distinction entre sponsoring et mécénat est avant tout fiscal. La loi Aillagon de 2003 va au-delà des recommandations du très libéral Institut Montaigne, encourageant les fondations, concurrentes de l’action des collectivités publiques, en défiscalisant 60% des sommes allouées au mécénat tout en autorisant l’entreprise à afficher toute visibilité voulue. Vinci saura utiliser cet outil de communication, se construisant une réputation tout en allégeant ses impôts ! 15 millions d’euros pour restaurer la Galerie des Glaces du châteaux de Versailles par exemple qui l’autorisent à s’autoproclamer « grand mécéne du Ministère de la Culture ». Pour contrebalancer sa réputation de bétonner, il est le premier financer de la Fondation de Nicolas Hulot.
Par ailleurs, le groupe finance également des associations d’insertion surtout dans les métiers directement utilisables et étale ces coups de main vertueux qui sont tout simplement imposés par les clauses d’insertions sociales du code des marchés publics. Le recours à ces salariés particuliers relève donc de la stratégie, pas de la bienfaisance. Il s’agit de faire avaler des grands travaux impopulaires à des populations rétives par des « dépenses assurantielles », des « techniques d’acceptabilité » « face à un risque de non-adhésion qui pourra bloquer la réalisation de l’équipement et engendrer des coûts bien plus élevés. »
Vinci, leader du béton et du bitume, veille à « verdir » artificiellement son image en utilisant le grennwashing, à grand renfort de chartes éthique sprintant les « solutions à valeur ajoutée environnementale », les « écoconceptions soucieuses du cycle de vie des constructions »,…
L’auteur termine son enquête par les Partenariats Public-Privé qui transforment les services publiques en espace de profits.
Vinci, profitant du retrait de la puissance public, a érigé en système le pillage des usagers et des citoyens. En quelques pages, Nicolas de La Casinière décortique les ressorts de ce « prédateur de haute volée. » Instructif !
LES PRÉDATEURS DU BÉTON
Enquête sur la multinationale Vinci
Nicolas de La Casinière
114 pages – 8 euros
Éditions Libertalia – Collection « À boulets rouges » – Paris – Septembre 2013
http://www.editionslibertalia.com/
Exactement ca!Et pour Bouygues et ses jeunes pousses aussi qui saisissent l'opportunité de l'écologie avec des programmes de construction BBC,panneaux solaires et donnent les marchés aux mieux disants des entrepreneurs, sans se soucier de leurs réelles qualifications. Les acquéreurs se retrouvent avec des maisons aux multiples mal façons ,panneaux solaires mal posés toitures qui laissent passer la pluie.Le promoteur lui se dédouane de toutes responsabilités a des assurances à Gibraltar pour le couvrir ,et une armée de conseillers juridiques;Les acquéreurs voient le beau rêve écolo virer au désastre
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