Le collectif Utopia est un groupe de réflexion qui alimente de ses analyses et propositions, le monde associatif, mais aussi les mouvements et partis de gauche. Avant de construire, il propose de déconstruire, de combattre trois aliénations : le dogme de la croissance comme solution à nos maux économiques, le dogme de la consommation comme seul critère d’épanouissement individuel, la centralisé de la valeur travail comme seule organisation de la vie sociale.
La gauche en ne se posant plus la question de la pertinence du système capitaliste, s’est condamné à ne plus proposer que des ajustements à la marge. Le capitalisme n’est pas seulement un système économique, c’est également un système politique et un système social qui régit la quasi-totalité des différentes sphères de la vie des individus.
Utopia propose un « alterdéveloppement » dans lequel la rentabilité du capital ne serait pas l’objectif unique et le capitalisme plus englobant. Il ne s’agit pas pour autant de promouvoir une appropriation publique et centralisée des moyens de production.
La croissance n’a été capable ni de réduire la pauvreté et les inégalités, ni de renforcer la cohésion sociale. Une croissance infinie dans un mode fini est une illusion. Cependant, il faut dépasser la contradiction croissance/décroissance. Les vraies question sont : Croissance de quoi, pourquoi et pour qui ? Décroissance de quoi, pourquoi et pour qui ? Le bien-être humain doit être au premier rang des objectifs.
Le processus d’affirmation de l‘identité par la consommation est voué à l’échec : il est construit sur un perpétuel recommencement inquiétant et absurde. « Dégradation de l’être en avoir, puis de l’avoir en paraître avec le spectacle érigé en marchandise suprême. »
Le travail est aliénant, par nature, parce qu’il résulte d’un rapport de subordination marchande entre les individus, servant un système dont la logique est étrangère à la notion même d’humanité. Il s’agirait d’accorder un vrai statut aux activités non productives (associatives, politiques, humanitaires,…), de promouvoir une gestion du temps tout au long de la vie pour permettre à chacun d’interrompre son activité productive pour se consacrer à des projets personnels et collectifs.
Utopia fait la synthèse de nombreuses études, en les nuançant ou les complétant parfois, et émet des propositions concrètes comme d’utiliser d’autres indicateurs que le PIB qui progresse aussi avec les réparations des catastrophes naturelles par exemple.
Face au défi écologique, Utopia préconise la division par quatre des émissions de gaz à effet de serre, l’adoption du scénario Négawatt fondé sur la sobriété, l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables, une sortie progressive du nucléaire, la création d’un pôle public de l’énergie, la taxation des produits fortement carbonés, la relocalisation et la restauration de l’agriculture paysanne et nourricière, le soutien à la reforestation.
« La mondialisation doit être synonyme de progrès partagé, d’enrichissement mutuel et de développement durable pour tous. » Utopia milite pour la création d’une Organisation Mondiale de l’Environnement au sein de l’ONU et la mise en place d’un Conseil Mondial du Développement Durable. Utopia préconise une fiscalité internationale notamment avec des taxes sur les transactions financières et une taxe unitaire sur les bénéfices des firmes transnationales, l’annulation totale de la dette de tous les pays du tiers-monde, « plus vaste hold-up planétaire jamais réalisé », la construction d’une Europe fédérale. Dans la ligné de Via Campesina, Utopie défend le concept de « souveraineté alimentaire » et critique les OGM avec lesquels les brevets sont détournés de leur vocation initiale par un « tour de passe-passe sémantique ». Les semences contrôlent l’amont et l’aval de la production. Utopia préconise l’interdiction du brevetage du vivant.
Cinq droits devraient être inaliénables, inconditionnels et universels : la santé, l’accès à un minimum de ressources, l’éducation, la culture, le respect de la vie privée. Il s’agirait d’instaurer un minimum universel d’existence, une couverture logement universelle, un accès minimum gratuit à l’eau, à l’énergie et aux télécommunications, la gratuité des transports collectifs urbains et périurbains. Les auteurs détaillent bien entendu très précisément leurs intentions, les moyens d’applications, s’appuyant sur des expériences déjà réalisées.
Les auteurs proposent aussi des réformes institutionnelles comme la suppression du poste de président de la République, remplacé par un Premier ministre élu par les parlementaires, en veillant à séparer les pouvoirs économiques, politiques et médiatiques. Ils insistent sur le développement d’une économie sociale et solidaire car « les valeurs de coopération sont plus efficaces que les valeurs de concurrence. »
Ce manifeste-programme est riche d’idées et de réflexions. Les auteurs ont identifiés les enjeux et, forts de leur engagement collectif, ont dégagé un impressionnant catalogue de solutions, parfois soumises à l’évaluation de la réalisation, ici ou ailleurs. Ils militent activement auprès des décideurs pour leur application généralisée, convaincus que « ce sont toujours les minorités qui arrivent à faire bouger les choses ».
Encore une fois nous rapportons ici des idées qui semblent pouvoir alimenter les débats. À chacun de piocher ce que bon lui semble.
MANIFESTE UTOPIA
Collectif
Avant-propos d’André Gortz
192 pages – 8 euros
Éditions Parangon/Vs – Lyon – Mai 2008
Je connais de longue date ce "manifeste" qui, tel l'enfer pavé de bonnes intentions, était en fait un gobe-mouches de l'aile gauche du PS des années 2000: Parti des parlottes dites de gauche déjà à la dérive droitière que l'on sait...
RépondreSupprimerAutrement dit, on cause, on cause, on cause de "réformer" le capitalisme, au lieu de LUTTER CONTRE. C'est la fameuse phrase du "Guépard" : "Tout réformer pour que rien ne change"...