Le « cortège de tête » est l’auto-désignation symbolique, imaginaire et politique en réponse à la figure du « casseur » imposée par les médias et le pouvoir. C’est le terme qui commence à s’imposer, dans cette « bataille culturelle », pour désigner ce bastion hétérogène, explosif et à géométrie variable, organisé sans organisation, de plus en plus soutenu, protégé, ici et ailleurs, par le cortège syndical traditionnel. C’est « la maison provisoire et nomade du mouvement », seul « lieu non-virtuel de communauté », rendu possible par l’impossibilité d’occuper désormais les facs et les lycées.
Cette tentative de présentation sociologique du mouvement est suivie de récits : importance des réseaux sociaux, et de cette page en particulier, dans les luttes, retour historique sur les ondes de « détestation de la police » depuis la mort de deux adolescents à l’automne 2005, en passant par la brève période d’adulation post-attentats, « étouffante communion sécuritaire », et cette étonnante journée du 31 mars pendant laquelle les barricades fleurirent dans les rues nantaises de 9 heures du matin jusqu’à 5 heures le lendemain, spontanément, déjouant tous les assauts policiers.
Joyeux, déterminé, nourri, le cortège de tête marque la ville de ses tags et de ses bris, essentiellement ciblés sur les représentations du capitalisme, en premier lieu les agences bancaires. Face à l’hôtel Radison Blu ce 31 mars, un manifestant promet : « un jour on tiendra une cantine à prix libre dans ce restaurant de luxe, on fera comme les anarchistes catalans en 1936 quand ils transformèrent le Ritz de Barcelone en restaurant populaire. »
Le PS a du annuler son Université d’été en raisons des « risques de violence ». Puis, le Medef. Un car de militants FN sera pris d’assaut sur la 4 voies et entièrement repeint.
C’est aussi en réaction, en résistance à la gentrification du centre-ville, que des lieux sont occupés ponctuellement, pour les ouvrir de nouveau à tous.
Forts de leurs analyses, les rédacteurs formulent aussi les bonnes interrogations : « l’avenir de cette force hétérogène n’est pas sans poser question. Comment pourrait-elle aller au-delà de l’agrégation circonstanciée ? Où et comment ces liens qui se tissent dans la rue pourraient-ils se déployer au-delà de quelques heures ? »
Loin d’être un obscur magazine d’anciens combattants, « Nantes révoltée » permet de comprendre l’insurrection qui est déjà là.
Nous conclurons en reprenant la citation d’Antonio Gramsci qui ouvre l’éditorial : « L’indifférence est le poids mort de l’histoire. C’est le boulet de plomb pour le novateur, c’est la matière inerte où se noient les plus solides […] Ce qui se produit, ne se produit pas tant parce que quelques uns veulent que cela se produise, mais parce que la masse des hommes abdique devant sa volonté, laisse faire, laisse s’accumuler les nœuds que seule l’épée pourra trancher, laisse promulguer des lois que seul la révolte fera abroger, laisse accéder au pouvoir des hommes que seule une mutinerie pourra renverser. »
On ne peut plus d’actualité, n’est-ce pas ?
NANTES RÉVOLTÉE – Numéro 0
Du zbeul dans la métropole
Collectif
48 pages – 2 euros
Nantes – Septembre 2017
https://www.facebook.com/Nantes.Revoltee/
Pour le commander : nantesrevoltee.lejournal@riseup.net
Voir aussi :
NANTES RÉVOLTÉE – Numéro 1
NANTES RÉVOLTÉE – Numéro 2
NANTES RÉVOLTÉE N°3 - Mai/juin 2018
NANTES RÉVOLTÉE – Numéro 4 - Nos désirs font désordre
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire