Certains récits tragiques laissent littéralement sans voix, comme celui de Seher, victime d’une « question d’honneur » pour avoir fait confiance à un collègue de travail, ou bien celui de Nazan, blessée en marge d’une manifestation alors qu’elle se rendait à son travail, et qui se retrouve en prison.
D’autres sont plus légères mais non moins saisissantes. Pour évoquer « le mâle qui est en nous », par exemple, il donne la parole à un couple de moineaux qui niche sous le toit de la prison. Il y a aussi, Nermin et Fırat, ce couple d’architectes, que seul parvient à arracher à leur travail la lecture des romans d’un auteur qu’ils finiront par rencontrer, et qui les pousse à chaque nouvelle parution, à remettre en cause fondamentalement leur existence.
Selahattin Demirtaş dresse le portrait d’une société, par petites touches : « Nous habitons à Mamak, dans le bidonville. ici, tout le monde se connaît. Tout le monde est pauvre, mais la pauvreté ne fait grincer les dents de personne. C’est quand on descend en ville qu’elle nous saute aux yeux. » Il sait déceler des destinées singulières autant qu’ordinaires, les raconter en adoptant un ton personnel fort juste, qui esquive le pathos et captive le lecteur. Une découverte !
Ernest London
Le bibliothécaire-armurier
L’AURORE
Selahattin Demirtaş
Traduit du turc par Julien Lapeyre de Cabanes
146 pages – 15 euros
Éditions Emmanuelle Collas – Paris – Septembre 2018
144 pages – 6 euros
Éditions Points Seuil – Paris – Septembre 2019
Titre original : Seher – Dipnot Yayınları – 2017
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