Christophe Kantcheff s’attache à relier la biographie du cinéaste à l’analyse de ses films, et surtout il en dégage les thématiques principales, au service d’un humanisme. Dans le regard que Guédiguian pose sur ses personnages du peuple, sur les dominés, il y a une volonté de révélation. Il cherche à montrer leur dignité, leur grandeur, leur magnificence.
Robert Guédiguian né en 1953 à l’Estaque, quartier populaire au nord-ouest de Marseille, terre d’accueil de populations immigrées. Son père est Arménien, sa mère Allemande, si bien qu’il se définira comme « issu d’un côté d’un peuple génocidé, de l’autre d’un peuple génocidaire ». En 1963, il se lie d’amitié avec Gérard Meylan à l’école de l’Estaque-gare. Tous deux sont en classe de CM2 et Albin Meylan, le père, est leur instituteur, par ailleurs conseiller municipal et leader communiste de ces quartiers. En mai 68, il prend sa carte au PCF et ne la rendra qu’en 1977, en total désaccord avec la rupture des négociations sur le Programme commun. Malgré le manque de place pour le débat et la contradiction, le parti restera le mouvement d’éducation populaire où il aura tant appris. En 1975, il part pour Aix-en-Provence pour suivre des études en sciences économiques puis en sociologie. C’est là qu’il rencontrera Ariane Ascaride.
Le communisme de Guédiguian est une forme d’amour universel qui n’a rien a voir avec sa traduction institutionnelle et moins encore avec sa réalisation historique. Plutôt que de développer des idées en termes politiques, il préfère les confier à ses personnages sous forme de grands et beaux sentiments.
Quand il y a combat, ce n’est pas seulement contre les dominants, les exploiteurs, les possédants mais également contre soi-même, pour rester fidèle à un idéal.
Son cinéma est habité par une nécessité de transmission. Il s’agit de montrer la philosophie de la résistance contre la résignation, la conscience de groupe contre la misère du chacun pour soi, l’énergie et l’espoir puisés au sein des luttes et des conquêtes sociales, les valeurs et les idéaux des classes populaires.
À une exception près, ses personnages refusent la tentation de la violence. Mais sous le joug de l’oppression, celle-ci devient légitime, un devoir moral et une arme de libération.
« Le cinéma de Robert Guédiguian est un humanisme. Ou, pour le dire autrement, son communisme est aussi un humanisme. »
Il s’adresse autant au spectateur qu’au citoyen, l’interpelant sans cesse, en appelant à sa conscience. Plutôt que de décortiquer les dérives des institutions, la compromission des dirigeants ou de dénoncer la dictature des marchés financiers, les situations insupportables des populations vulnérables, il montre des « révolutions locales à hauteur d’individus ». Il en appelle à la responsabilité de chacun pour faire preuve de clairvoyance afin de déterminer l’action qui sera la plus juste, la plus généreuse, la plus fraternelle. Et surtout, pour avoir le courage suffisant de l’accomplir. « Il fait le lien entre le matérialisme et l’idéalisme. »
Sans aucun doute a-t’il fait sien le serment des quatre enfants dans Dieu vomit les tièdes, qu’ils signent de leur sang dans un cahier d’écolier : « Nous fils de pauvres, jurons de nous battre jusqu’à la mort, et quoi qu’il arrive, pour que vienne un jour où tout le monde sera riche, sans être capitaliste. »
Cet ouvrage permet de mettre en perspective la filmographie du cinéaste, de mieux saisir l’essence de son oeuvre, ce que la vision souvent éloignée de chacun de ses films rend plus difficile. Maintenant, il ne reste qu’à les revoir.
ROBERT GUÉDIGUIAN - Cinéaste
Christophe Kantcheff
276 pages – 35 euros
Éditions du Chêne – Paris – Février 2013
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire