Tout aussi péremptoire, il s’insurge : « Je souhaiterais rappeler à mes compatriotes qu’il sont avant tout des hommes, et qu’ils ne sont des Américains qu’en second lieu. Qu’importe une loi qui protège vos biens et qui préserve votre âme et votre corps, si elle ne vous maintient pas dans les rangs du genre humain. » Il appelle « que chaque homme rompe son union avec l’État aussi longtemps que ce dernier sursoit à faire son devoir ». Voilà qui semble on ne peut plus d’actualité n’est-ce pas ?
Dans les articles suivants, il prend sans réserve la défense de John Brown, qui libéra plusieurs milliers d’esclaves, les armes à la main mais fut arrêté et condamné à être pendu. « C’était un homme supérieur. Il n’accordait aucune valeur à sa vie terrestre en comparaison à ses idéaux. Il ne reconnaissait pas les lois humaines iniques, mais il leur résistait parce que telle était sa destinées. Pour une fois, nous avons été extirpés de la trivialité et de la fange de la politique pour être hissés dans la sphère de la vérité et de l’humanité. » Il avait eu « le courage d’affronter son pays quand celui-ci avait tord ». Thoreau revient sur la destiné de cet homme qu’il admire sans nul autre pareil. Il condamne le gouvernement qui met « toute sa force au service de l’injustice », pour maintenir l’esclavage et tuer ceux qui libèrent les esclaves. Il trouve ces parole fortes qu’il faudrait placarder sur toutes les mairies, toutes les préfectures, tous les commissariats : « Si quelques particuliers sont contraints d’accomplir les charges incombant au gouvernement, protéger les faibles et faire régner la justice, alors le gouvernement n’est plus qu’un simple factotum embauché pour effectuer des tâches insignifiantes ou subalternes. »
Tenu pour une figure emblématique de la désobéissance non-violente, il est intéressant de savoir qu’Henry David Thoreau fut aussi l’ardent défenseur d’un partisan d’actions armées : « Il avait sa propre doctrine, selon laquelle un homme a parfaitement le droit d’intervenir par la force contre un propriétaire d’esclaves, afin de sauver ces derniers. Je suis d’accord avec lui. Ceux qui sont choqués en permanence de l’esclavage ont le droit d’être choqués par la mort violente du propriétaire d’esclaves, mais pas les autres. »
Document historique et philosophique important, ces pages méritent d’être lues aussi et surtout en raison de leur résonance parfaitement actuelle.
DE L’ESCLAVAGE : PLAIDOYER POUR JOHN BROWN
Henry David Thoreau
Traduit de l’anglais (États-Unis), notes et postface par Thierry Gillyboeuf
130 pages – 3,50 euros
Éditions Mille et une nuits – Paris – Septembre 2006
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