4 juillet 2025

L’OTAN

Les militants Medea Benjamin et David Swanson présentent l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN), ses origines, sa structure, ses objectifs. Alors que la fonction première de celle-ci était de protéger l’Europe occidentale d’une éventuelle invasion par l’Union soviétique, son élargissement après la fin de la guerre froide menace la paix mondiale. Supposée défendre un « ordre international fondé sur des règles », elle ne cesse de contrevenir aux principes fondamentaux de la charte des Nations unies.

Le 4 avril 1949, les ministres des affaires étrangères de 12 pays signent à Washington le Traité de l'Atlantique Nord et créent l’OTAN. Cette nouvelle alliance poursuit officiellement trois objectifs : endiguer l'expansionnisme soviétique, prévenir toute résurgence du militarisme nationaliste en Europe et encourager l'intégration politique européenne. L'article 13 précise qu'elle doit durer 20 ans. Les États membres s’engagent à régler les différends internationaux par des moyens pacifiques et s’abstenir d'employer ou de menacer d'employer la force. L'article 5 les oblige à se prêter assistance par des moyens militaires. Mais, si la défense des libertés fondamentales, des droits de l'homme et de la démocratie est bien affirmée dans ce texte, c'est surtout l'opposition au communisme et la répression des mouvements actifs en Europe occidentale qui a constitué « le véritable ciment du ralliement des membres de l'OTAN ». Les auteurs de cet essai soutiennent que sa création et le refus d'admettre l'Union soviétique dans ses rangs ont intensifié et institutionnalisé la guerre froide. Le pacte de Varsovie n'a été fondé que six ans plus tard. L'adhésion de la Grèce et de la Turquie en 1952, qui étaient loin de l'Atlantique Nord et pas tout à fait des démocraties, a étendu l'encerclement occidental de l'Union soviétique. Un tiers des membres fondateurs de l'Alliance possédaient encore de vastes empires. Des armes ont été fournis au régime portugais de Salazar pour l'aider à mener pendant 25 ans ses guerres coloniales en Guinée-Bissao, au Cap-Vert, en Angola et au Mozambique.

Washington a utilisé l’OTAN pour imposer son leadership, empêcher l’Europe de devenir un contre-poids à sa puissance, favoriser une économie capitaliste et libre-échangiste (tout État adhérent doit privatiser son économie), imposer l'hégémonie du dollar et favoriser ses intérêts économiques notamment son industrie de l’armement.

Le pacte de Varsovie a été créé en 1955, cinq jours après que l'OTAN eut admis l'Allemagne de l'Ouest dans ses rangs. Un an auparavant l’Union soviétique a déposé une demande d'adhésion à l'OTAN qui a été rejetée. En 1988, Gorbatchev a proposé l’idée d’une « maison commune européenne » et le pacte a été dissous en 1991. Au lieu de prendre acte de la nouvelle réalité, l'Alliance atlantique s'est élargie, passant de 12 à 32 membres. Les auteurs racontent ces vagues successives d’adhésions, reviennent sur les critères (théoriques) d’éligibilité, les craintes et les oppositions rencontrées pour certaines, notamment pour la Turquie ou pour les anciens pays satellites de la Russie. En 1900, le secrétaire d'État des États-Unis James Baker avait promis que l’OTAN ne s'étendrait « pas d'un pouce vers l’est » et de nombreux avertissements dans ce sens avaient suivi. L’invasion de l’Ukraine en 2022 a provoqué l’adhésion de pays jusque là traditionnellement neutres. : la Finlande et la Suède.


« L'OTAN s'est toujours présentée comme une alliance défensive. Or, privée de vis-à-vis depuis la fin de la guerre froide et la dissolution du pacte de Varsovie, elle n'a pas su résister à la tentation de recourir à la force militaire offensive, en violation de la Charte des Nations Unies. C'est ce qui l’a amené à prendre part aux aventures militaires des États-Unis, lesquels ont semé le chaos et la désolation en Serbie, en Afghanistan, en Irak et en Libye. » Medea Benjamin et David Swanson reviennent également sur les interventions militaires en Bosnie Herzégovine, au Kosovo et en Serbie, en Afghanistan, en Irak et en Libye, en contradiction avec sa propre Charte et avec celle des Nations-Unies, en utilisant la force et balayant toute proposition de dialogue, en provoquant des guerres civiles. Ces dessous de l’histoire récente, peu connus, sont particulièrement édifiants. « Au lieu d'essayer de régler les problèmes criants de sécurité internationale que soulèvent son expansion et ses guerres illégales, l’OTAN se complaît dans une chambre d’écho où résonne son triomphalisme mal avisé et ses évaluations unilatérales et malhonnêtes des menaces, ce qui la rend incapable de tirer des leçons de sa propre histoire. » Ils évoquent évidemment les ambitions de l’OTAN sur l’Ukraine qui aboutissent à la « guerre d’agression illégale » déclenchée par la Russie. Fin mars 2022, la proposition de celle-ci de retirer ses troupes en échange de la promesse que l’Ukraine n’adhèrerait pas à l’OTAN, a été balayée par les États-Unis qui n’envisageaient qu’une « politique belliciste ».


Sont également abordés les partenariats de l’OTAN avec des pays loin de l’Atlantique : en Asie centrale, en Asie de l’Ouest, en Afrique du Nord et ailleurs encore, faisant apparaître que tous sont avant tout clients de l’industrie de l’armement des États-Unis. Des tensions apparaissent à propos du soutien à Israël : en décembre 2023, la plupart des membres de l’OTAN ont voté pour un cessez-le-feu à l’Assemblée générale des Nations-Unies et certains (le Canada, l'Espagne, les Pays-Bas et la Belgique) ont interdit les exportations d'armes à ce pays.


Les conditions des prises de décision, à huis-clos, indépendamment de tout gouvernement et des Nations-Unies, sont aussi évoquées. C’est bien entendu le gouvernement des États-Unis qui décide. Le fonctionnement interne de l’Organisation est détaillé, ainsi que son financement. Entre autres exemples, « en 2006, de façon complètement antidémocratique, sans validation des parlements élus ni consentement des contribuables, les ministres de la défense de l'OTAN ont décidé que tous les pays membres devraient consacrer au moins 2 % de leur PIB respectif aux dépenses militaires. » Une présentation en pourcentage est d'ailleurs toujours moins inquiétante qu’en milliards de dollars.


Au-delà des multiples ingérences dans les élections, des coups d’État et des assassinats ciblés, l’OTAN et les États-Unis s’opposent à l’adoption de nouveaux traités internationaux, respectent peu les règles et le droit. 

La question des armes nucléaires fait l’objet d’un chapitre entier, rappelant que d’après le Traité sur leur non-prolifération, signé en 1970, les « parties détentrices » auraient du procéder à leur désarmement.

Enfin, les auteurs énumèrent un certain nombre de « solutions » : être neutre plutôt qu’un allié de l’OTAN, abolir la guerre, organiser la résistance non violente plutôt que la défense militaire pour rendre un pays ingouvernable en cas d’agression extérieure, etc. Cette partie aura sans doute plus de mal à convaincre.


Ce livre donnera certainement à beaucoup envie de pleurer ou de se pendre ou de se révolter (selon son degré de sensibilité), tant le monde semble pieds et poings liés aux projets bellicistes des États-Unis. Medea Benjamin et David Swanson livre en effet une description glaçante de la « machine de guerre » pudiquement nommée OTAN. On pourra bien sûr s’étonner de l’accumulation des circonstances atténuantes accordées à la Russie, qui tend à la présenter comme victime. Ceci n’enlève toutefois rien aux rappels historiques et au portrait d’ensemble  : « La triste vérité, c'est que l'OTAN n'est ni une alliance défensive ni un rempart destiné à protéger un ordre mondial fondé sur des règles. À partir de 1992, elle est devenue une force expéditionnaire vouée à favoriser l'hégémonie des États-Unis. »


Ernest London

Le bibliothécaire-armurier



L’OTAN

Une alliance au service de la guerre

Medea Benjamin et David Swanson

Traduit de l'anglais par Nicolas Calvé

186 pages – 18 euros

Éditions Lux – Collection « Futur proche » – Montréal – Avril 2025

luxediteur.com/catalogue/lotan/




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