Au sein du prolétariat, les femmes sont surexploitées. Une femme seule peut difficilement vivre de son salaire qu’elle doit souvent compléter au moyen de la prostitution. Le mariage légal et religieux n’est pas la règle de la famille ouvrière.
La section française de l’Association Internationale des Travailleurs est proudhonienne et résolument hostile au travail des femmes. Pourtant, Victorine Brochet, une de ses adhérentes, collabore à la création d’une boulangerie coopérative. Nathalie Lemel fonde avec Varlin une société d’alimentation : La Marmite, et Marguerite Tinayre, la Société des Équitables de Paris. Louise Michel est institutrice. Elle enseigne « le développement de la conscience assez grand pour qu’il ne puisse exister d’autres récompenses ou d’autres punitions que le sentiment du devoir accompli ou de la mauvaise action. » Plusieurs femmes réfutent les théories de Proudhon sur la supposée triple infériorité de la femme, au point de vue physique, intellectuel et moral.
Lorsque les Prussiens assiègent Paris, après la chute de l’Empire et la proclamation de la République, le peuple est prêt à se battre alors que le nouveau pouvoir préfère traiter avec l’ennemi. Le travail manque autant que la nourriture. Des comités de femmes préconisent l’établissement d’ateliers communaux et des réunions sont organisées en faveur de la Commune sociale. Certaines deviennent cantinières ou ambulancières, tandis que sont formés dix bataillons de femmes, les « Amazones de la Seine ». Après quatre mois de faim, de froid, de bombardements et de misère, la capitulation semble la seule issue. Le 31 janvier, les délégués des clubs, de la Garde nationale et des comités de vigilance se mettent d’accord pour s’opposer à la reddition et à garder les armes. Le 1er mars les Prussiens entrent dans Paris pour en ressortir le 2 et camper aux alentours. Le 18, Thiers fait entrer ses troupes dans la ville pendant la nuit, pour en occuper les points stratégiques et s’emparer des canons que les habitants sont bien décidés à défendre puisqu’ils les ont payés par souscription. Ainsi, à Montmartre, la foule composée majoritairement de femmes, accoure pour les défendre et contraint les soldats à « fraterniser » avec la Garde nationale. La Commune, élue le 26 mars, s’installe à l’Hôtel de ville le 29. Le Gouvernement s’est réfugié à Versailles.
Édith Thomas étudie l’implication réel des femmes dans les semaines qui suivirent, individuellement en s’attachant à quelques figures dont on peut suivre les traces, et collectivement, en dépouillant les communications de l’Union des Femmes pour la défense de Paris et les soins aux blessés, qui représente le courant révolutionnaire, des clubs et d’autres groupes de citoyennes, plus modérées. L’Union va prendre en charge la réorganisation du travail au moyen d’associations productives libres, sous l’impulsion d’Élisabeth Dmitrieff, en se préoccupant de la diminution du temps de travail, de l’égalité salarial entre les travailleurs des deux sexes et de la remise aux producteurs de leurs instruments de travail.
« Pour fonder la société de l’avenir dont rêvait la Commune, il fallait former des hommes et des femmes qui fussent libérés de l’empreinte cléricale. Il était nécessaire d’organiser un enseignement laïc, et de prévoir, pour les filles, dont l’instruction avait toujours été si négligée, de nouvelles écoles et, en particulier, des écoles techniques, qui les préparassent à gagner leur vie. » La société L’Éducation nouvelle propose que l’instruction religieuse ou dogmatique soit supprimée dans les établissement de l’État, que l’instruction soit gratuite, complète et obligatoire. Louise Michel élabore une méthode d’enseignement qui attache une grande importance à la formation morale des élèves et développe leur conscience au point « qu’il ne puisse exister d’autres récompenses ou d’autres punitions que le sentiment du devoir accompli ou de la mauvaise action ». Des crèches sont envisagées, non comme simple garderies pour les enfants pauvres mais comme cadre agréable pour leur donner un début d’éducation, ainsi qu’une dispense de travail pour les femmes qui allaitent. Dans les hôpitaux, les religieuses sont remplacées par des femmes du peuple.
Le 21 mai à 15 heures, les troupes de Versailles entrent dans Paris. Édith Thomas relate la place des femmes, notamment sur les barricades, pendant la Semaine sanglante qui commence alors. Elle pose bien sûr la question des incendies, rappelant le nombre important d’obus et des bombes pétrole lancés par l’armée de Versailles depuis début avril. La disparition dans les flammes de la Cour des comptes, du Conseil d’État, du ministère des Finances qui contenaient les archives de la gestion impériale, peut être attribuée à des agents bonapartistes. Quant à la question des « pétroleuses », croisant les différents témoignages, des virulent calomniateurs de la Commune comme Maxime Du Camp et de reporters anglo-saxons, elle conclut qu’il s’agit plutôt d’un mythe, « une de ces manifestations de peur collective, comme on en rencontre parfois dans l’histoire ». Elle étudie aussi deux procès qui condamnèrent lourdement une poignée de femmes, sans preuve, « parce qu’il fallait bien des coupables et que l’on en trouvait pas ».
« Beaucoup de femmes qui s’engagèrent dans les rangs de la Commune ne semblent pas y avoir été poussées par des motifs idéologiques. Certaines se contentèrent d’accompagner leur mari ou leur amant dans les rangs des fédérés. Mais d’autres, au contraire, accomplirent, pour la première fois, un acte politique, participèrent, pour la première fois, à la vie politique, dont elles avaient toujours été exclues. »
Étude remarquable dont la ré-édition s’imposait.
LES « PÉTROLEUSES »
Édith Thomas
Préface de Bernard Noël
372 pages – 24 euros.
L’Amourier Éditions – Coaraze – Octobre 2019
amourier.com
Première édition : Éditions Gallimard – 1963
Voir aussi :
PARIS, BIVOUAC DES RÉVOLUTIONS
LA GUERRE CIVILE EN FRANCE de Karl Marx
De Louise Michel :
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