Il appuie sa démonstration par une flopée de chiffres et de données absolument impitoyables, avant de montrer le poids et l’impact d’une technologie qui se cache et véhicule l’image de non-matérialité : environ 450 cables sous-marins, totalisant 1,3 millions de kilomètres et reliant 3 millions de datacenters dans le monde, alimentant 30 milliards d’équipements numériques (2,4 milliards de téléphones, 2 milliards d’ordinateurs, 3,6 milliards de smartphones, 15 milliards d’objets connectés,…).
Pour signifier l’insouciance politique et médiatique face aux signes évidents du dérèglement climatique, il donne à voir le « spectacle » diffusé sur les chaînes d’infos et les réseaux sociaux. Il applique, avec une efficacité redoutable, le principe de disjonction entre texte et images pour illustrer la disjonction cognitive généralisée : le monde brûle mais jusque là tout va bien !
Il réussit aussi des chapitres entiers sans aussi commentaire. Par exemple, il raconte l’évolution de la presse d’information vers les fake news et les rumeurs, par un habile jeu visuel déroulé sur une quinzaine de pages, aboutissant à l’élection de Donald Trump, à la négation du réchauffement climatique et à l’invasion du Capitole. Sa jeune fille, avec laquelle il se met en scène pour exposer ces réflexions de confinement, semble peser sur sa responsabilité, tant, comme il le rappelle sans cesse, les échéances pour agir sont brèves : l’état de la planète demain dépend de nos décisions collectives d’aujourd’hui.
La politique d’Emmanuel Macron est largement fustigée. « Emmanuel Macron a refusé de jouer le levier de la sobriété, pourtant le plus susceptible de produire des résultats rapides sur les émissions de gaz à effet de serre, préférant miser sur un verdissement des productions. » « Faire croire que la technologie suffira pour sauver le climat évite d'avoir à se confronter à la difficile question de la sortie des énergies fossiles, qui demande de bousculer les intérêts privés des plus puissants et de transformer le système économique actuel. » « Au bout du compte, les mesures prises sous la présidence Macron ne sont souvent que des faux-semblants pour dissimuler l’inaction. »
Si Philippe Squarzoni préconise la sobriété et ne minimise aucunement les « pressions des lobbys de monde économique » qui ont fait assez systématiquement reculer Macron, par exemple, sur un certain nombre de décisions, il compte, très naïvement, sur les pouvoirs publics pour encadrer les usages du numérique et fournit une liste de mesures qui laisse plutôt songeur : démanteler le modèle de rémunération publicitaire opaque, séparer les régies publicitaires des services rendus, soumettre les algorithmes à un audit, etc. Cette bouffée d’optimisme est cependant très brève, à peine quelques pages et le constat reste sans appel : « Le numérique ne permettra pas spontanément de résoudre les enjeux écologiques. Il n'est pas par nature au service de la transition énergétique. Il est d'abord au service des géants de la Silicon Valley. »
Un excellent ouvrage de vulgarisation quoiqu’il en soit.
Ernest London
Le bibliothécaire-armurier
SAISON BRUNE 2.0
(nos empreintes digitales)
Philippe Squarzoni
264 pages – 21,90 euros
Éditions Delcourt – Collection « Encrages » – Paris – Novembre 2022
www.editions-delcourt.fr/bd/series/serie-saison-brune/album-saison-brune-20-nos-empreintes-digitales
Du même auteur :
DOL
ZAPATA, en temps de guerre.
GARDUNO, en temps de paix.
TORTURE BLANCHE
Voir aussi :
Quel est l"éditeur ?
RépondreSupprimerDelcourt. J'ai effectivement oublié la notice. Désolé. Et merci à vous :je la rajoute immédiatement.
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