Avec cet ouvrage paru en 1925, Louis Roubaud (1884-1941) dénonce « la honte des bagnes d’enfants ». Il raconte leurs terribles conditions de détention : humiliations, punitions et privations, sévices physiques, voire sexuels, exploitation, après avoir assisté à des audiences du tribunal des enfants et visité les colonies pénitentiaires d’Eysses, Aniane et Belle-Île-en-Mer, où l’on enferme les garçons, celles de Doullens et Clermont, où sont détenues les filles.
Quelques portraits de mineurs rencontrés au tribunal permettent de saisir la détresse de ces jeunes, bien souvent livrés à eux-mêmes, souvent arrêtés pour vagabondage, puis placé en « colonie correctionnelle » après plusieurs fugues d’un « patronnage ». Il note que « le tribunal du quai des Orfèvres condamne ou acquitte les gosses… Il ne juge pas les parents. » Le journaliste pointe quelques aberrations entre les peines prononcées : « La cour de police du quai des Orfèvres est trop mal éclairée (…). Il faut juger les enfants au soleil. »
Dans les établissements, il croise quelques jeunes assassins et découvre les conditions d’exploitation des prisonniers : 10 heures d’atelier par jour à Aniane. À Belle-Île, sont enfermés les prévenus de la Commune. Il assiste aux brimades et, la nuit, se fait dévorer par les punaises. Il raconte encore d’autres destinés, comme celle de Raoul Beauchamps, « joli comme une fille », qui préfère dormir dans une cage pour n’être plus agressé. Le directeur de centre pénitentiaire de jeunes filles de Doullens est plutôt bienveillant : le quartier cellulaire reste vide et les camisoles au grenier. Puis, il embarque pour la Guyane et rend visite aux condamnés aux travaux forcés, dont beaucoup sombrent dans la folie et ne peuvent plus « se demander si leur châtiment n’est pas plus inhumain que leur crime ».
Ces reportages, avec ceux des frères Bonneff et de Zo d’Axa, eurent un écho retentissant et contribuèrent à faire réformer les pratiques. Témoignage historique de première main.
Ernest London
Le bibliothécaire-armurier
LES ENFANTS DE CAÏN
Louis Roubaud
Préface de A-Ferdinand Hérold
258 pages – 18 euros
Éditions Plein chant – Collection « Précurseurs et militants » – Bassac (16) – Octobre 2024
www.pleinchant.fr/ajouts/EnfantsdeCain.html
Première édition : Grasset, 1925.
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