2 octobre 2020

LA REVUE DESSINÉE - Édition spéciale « Ne parlez pas de violences policières »

Les rédactions de La revue dessinée et de Mediapart se sont associées pour réaliser ce numéro spécial sur les violences policières niées par le pouvoir. Gilets jaunes mutilés, lycéens agenouillés les mains derrières la tête, soignants trainés au sol, pompiers matraqués, manifestants arrêtés « préventivement », personnes décédées lors d’un contrôle, « dispositifs de guerre » en guise maintien de l’ordre, racisme prégnant, impunité totale,… le tableau est pourtant accablant.


Claire Rainfroy consacre un dossier à différentes violences policières particulièrement médiatisées, depuis le tabassage de Gilets jaunes dans un fast-food le 1er décembre 2018 à Paris et le tir de grenade contre Zineb Redouane à Marseille ce même jour, la charge qui bouscule Geneviève Legay à Nice le 23 mars 2019 et celle qui pousse à l’eau Steve Maïa Caniço, avec treize autres personnes, le 21 juin 2019 à Nantes. Elle raconte des enquêtes bâclées, des médailles distribuées par le Ministre de l’Intérieur aux policiers impliqués, un déni généralisé de la part des autorités, jusqu’au président de la République, des accusations soudain médiatisées mais depuis longtemps portées dans les quartiers populaires. Benjamin Adam, comme à son habitude, réalise une mise en image intelligente, d’une grande clarté et très didactique.

Assa Traoré, la soeur d’Adama, mort le 19 juillet 2016 alors que trois gendarmes venaient de lui administrer un placage ventral, est justement interviewé dans les pages suivantes. Son analyse dépasse ce seul cas et cherche à comprendre un fonctionnement systémique : « Nous affrontons une machine de guerre qui n’a ni sentiment, ni états d’âme, ni remords. Une machine de guerre qui s’appuie sur la justice, la police, les gendarmes, et dont la puissance économique est capable de nous écraser, de nous épuiser financièrement. Face à elle, nous sommes devenus des soldats malgré nous. Le comité Vérité et justice pour Adama a mis à nu un système répressif et autoritaire. Celui-ci ne nous arrêtera pas. » Elle accuse les médias de n’avoir pas fait leur travail sur les violences policières en banlieue, d’avoir une grosse part de responsabilité dans le fait qu’elle ont été invisibilisées. Elle établit une généalogie entre les billets de circulation dans les colonies sucrières et la carte d’identité que n’avait pas son frère mais qu’il allait récupérer ce jour-là à la mairie. « En 2016, Adama Traoré se fait tuer car il n’a pas sa carte d’identité. Ça montre qu’aujourd’hui encore, nous subissons les conséquences de l’esclavage et du colonialisme. »

Géraldine Ruiz revient sur le mouvement Black Lives Matter, parfois présenté comme l’acte II du mouvement pour les droits civiques. Le 13 juillet 2013, Alicia Garza, une militante afro-américaine, poste sur Facebook un message d’indignation alors que l’agent de sécurité responsable de la mort de Trayvon Martin, vient d’être acquitté, suivi d’un hashtag qui va être massivement repris. Sévèrement réprimé sous la présidence de Donald Trump, le mouvement s’essouffle, jusqu’au 25 mai 2020, jour de la mort de George Floyd. Il devient alors mondial.

Un long article s’intéresse à des travaux universitaires français démontrant, dès 1987, des « pratiques policières sélectives », ciblant les personnes non-blanches. Il est difficile pour les policiers de base de s’affranchir d’un « racisme spécifiquement policier » constituant une « véritable norme ». Les contrôles au faciès et le vocabulaire raciste utilisé jusque dans les documents officiels, témoignent d’une tolérance hiérarchique, voire institutionnelle.

Le reportage de Louise Fossard et Camille Polloni, illustré par Aurore Petit, sur les lanceurs de balle en caoutchouc, déjà publié dans
LA REVUE DESSINÉE #13, a été complété et actualisé. Un autre dossier, anticipe les répressions à venir, en présentant le « flic du futur », à partir des innovations présentées à Milipol, le salon mondial de la sûreté et de la sécurité intérieure des États. Un autre encore retrace le long parcours d’une jeune fille, victime d’un déchaînement de violence, face à la « fabrique de l’impunité » et aux difficultés à surmonter les douleurs physiques et la souffrance psychique.

D’autres entretiens, avec d’autres chercheurs, avec David Dufresne, le journaliste qui recense les violences policières, avec des policiers aussi, viennent compléter ce numéro spécial qui fait un complet tour d’horizon du sujet et ne laissera subsister aucun doute.



LA REVUE DESSINÉES - Édition spéciale
« Ne parlez pas de violences policières »
Collectif
164 pages – 15 euros
Éditions La Revue Dessinée, en partenariat avec Mediapart – Paris – Septembre 2020
www.4revues.fr/la-revue-dessinee



Voir aussi :

LA REVUE DESSINÉE #13

PETITE HISTOIRE DU GAZ LACRYMOGÈNE - Des tranchées de 1914 aux Gilets jaunes

ENNEMIS D’ÉTAT - Les lois scélérates, des anarchistes aux terroristes

L’EXERCICE DE LA PEUR : Usages politiques d’une émotion

À LA RECHERCHE DU NOUVEL ENNEMI 

COEUR DE BOXEUR - Le Vrai combat de Christophe Dettinger

LUNDIMATIN PAPIER #2 : Textes et documents relatifs à l’affaire dite « de Tarnac »

 

 

 

 

 

 

 


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire