9 octobre 2025

LE LION DE GUANTANAMO

François, « légende du journalisme », décroche une interview avec Fidel Castro. Mais quand il atterri à la Havane, avec Nikita, une jeune pigiste (à La Gratine libre) qu’il a embobinée pour qu’elle lui avance son billet d’avion, le Commandante vient de mourir. Et les rebondissements de font que commencer.


Au cours du périple de périple qui doit la mener au cimetière de Santiago, le cortège transportant l’urne funéraire doit faire une halte face à la base militaire étasunienne de Guantanamo, après d’autres arrêts symboliques, tandis que seront symboliquement brûlés les chèques des loyers jamais encaissés. Mais l’étape est brusquement annulée car le lion du zoo de Guantanamo a disparu, menaçant de provoquer un grave incident diplomatique.

Tous les prétextes sont bons pour distiller quelques éléments d’histoire du pays : révisions pendant le trajet en avion afin de réfuter les clichés qui tiennent lieu de connaissances pour Nikita, des chauffeurs de bus ou de taxi loquaces et passionnés, ravis d’instruire leurs passagers,… On nous rappelle ainsi qu’en 1933 les États-Unis avaient mis en place une dictature, en remplacement de celui qui s’était engagé dans des réformes sociales tous azimuts, et livré hôtels et casinos à Cosa Nostra, tandis que l’aéroport militaire de la capitale devenait une plaque tournante du trafic de drogue. Contre toute attente, Fidel Castro renverse Batista en 1959, avec ses Barbudos. L’embargo, promulgué en 1962, en pleine guerre froide, et dénoncé régulièrement par l’ONU depuis 63 ans, précipite le pays dans les bras de l’URSS – contre l’avis de Che Guevara qui quitte alors le gouvernement. N’ayant plus accès aux engrais ni aux pesticides, contraint d'utiliser des méthodes naturelles pour fertiliser les sols, Cuba est aujourd’hui un des rares pays où les abeilles ne sont pas décimées par les produits chimiques. Les monocultures destinées à l’exportation ont été remplacées par une production vivrière très diversifiée et le moindre espace, jusqu’au terrains vagues et aux toits, a été mis en culture. La nourriture pousse directement où vivent les gens, sans besoin de la transporter. On ne manque pas une occasion d’apprendre quelque chose, d’autant que les deux tiers des cubains sont diplômés de l’enseignement supérieur (contre seulement la moitié des jeunes en France) ce qui justifie quelques exposés savants (mais concis). On découvre aussi la réalité, le quotidien de l’île, du quartier touristique de la Havane au culte de la Santeria, de la passion pour les uniformes des cubains aux particularités architecturales. Les expériences et l’attachement des auteur·es à l’île transparaissent (fort discrètement). Ou plus exactement, on soupçonne du vécu derrière tout ça, un peu comme si l’aventure rocambolesque avait été le prétexte d’un carnet de voyage qui ne dit pas son nom. D’autres indices trahissent cette part autobiographique, comme la réminiscence de l’effondrement d’un bâtiment qui rappelle celui de la rue d’Aubaine à Marseille. Quoiqu’il en soit, l’histoire tient bel et bien la route et amusera plus d’un·e lecteur·rice. Et après tout, comme l’expliquait Joseph Kessel à François : « Il faut vivre et après écrire. »

Ernest London
Le bibliothécaire-armurier


LE LION DE GUANTANAMO
Lisa Lugrin et Clément Xavier
200 pages – 24,50 euros
Éditions Delcourt – Collection « Mirage » Paris – Octobre 2025
www.editions-delcourt.fr/bd/series/serie-le-lion-de-guantanamo/album-le-lion-de-guantanamo


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