Au large du Honduras, près de l’île de Roatán, elle s'initie à la navigation, explore les récifs, avec masque et tuba, et surtout, collecte les témoignages de ses co-équipièr·es qui explorent la zone mésophonique, située entre la surface et les grands fonds, grâce aux propulseurs sous-marins et aux scaphandres à circuits fermés qui leur permettent de descendre à plus de cent mètres. En documentant cet environnement méconnu et intriguant, les menaces qui pèsent sur lui et la richesse biologique qu’il abrite, elle souhaite transmette sa fascination et son souci, par un pendant littéraire au manifeste mésophotique en cours de diffusion. « On ne défend bien que ce qu'on a appris à aimer, il nous appartient de faire connaître ce monde au nom compliqué, de créer de la connaissance et de l'attachement aux promesses qu'il recèle, et d'en faire un symbole dont nous serons les sentinelles. » Elle alerte contre les dégâts irréversibles de la pêche en eaux profondes : « Aujourd'hui, 86 % des eaux européennes dites “protégées“ sont chalutées, c'est-à-dire très concrètement que des machines gigantesques raclent le fond des océans, arrachant la canopée, les jardins, les clairières, tailladant les gorgones et fauchant aveuglément mollusques et crustacés, chevreuils marins, sangliers océaniques et écrasant les mignons troglodytes dans leurs tanières. » « Le prix à payer pour pouvoir manger de la langoustine », comme l’affirme sérieusement Emmanuel Macron ? Vraiment ?
Réminiscences littéraires (du Bateau-usine à Moitessier, toujours), anecdotes (des baignades nocturnes dans un « nuage de plancton luminescent » aux scènes quotidiennes sur le Why, ponctuées d’échanges avec l’équipage) et confidences scientifiques (du nom du bébé tortue : le tortillon, au point commun des femmes avec quelques rares autres mammifères, dont cinq espèces de cétacées à dents : la ménopause) s’enchaînent et finissent par former un reportage incarné, sensible et édifiant. L’enthousiasme et l’émerveillement de Corinne Morel-Darleux, ses préoccupations et sa curiosité, sont totalement contagieux. Elle n’a rien perdu de son sens de l’introspection, ni de sa grande préoccupation pour le monde tel qu’il va (mal).
Ernest London
Le bibliothécaire-armurier
DU FOND DES OCÉANS LES MONTAGNES SONT PLUS GRANDES
Récit mésophotique
Corinne Morel Darleux
122 pages – 10 euros
Éditions Libertalia – Collection « La Petite littéraire » – Montreuil – Octobre 2025
editionslibertalia.com/catalogue/la-petite-litteraire/corinne-morel-darleux-du-fond-des-oceans
De la même auteure :
PLUTÔT COULER EN BEAUTÉ QUE FLOTTER SANS GRÂCE - Réflexions sur l’effondrement
ALORS NOUS IRONS TROUVER LA BEAUTÉ AILLEURS
LE GANG DES CHEVREUILS RUSÉS
Voir aussi :
LE BATEAU-USINE
ON A MANGÉ LA MER
Le Manifeste mésophotique : www.change.org/mesophoticmanifesto
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