Contre-histoire officielle du Gaullisme avec ses
cadavres dans le placard, ses secrets bien gardés : le S.A.C., une police
parallèle au service du pouvoir.
Reprenant le procédé utilisé avec Les ignorants,
bande dessinées dans laquelle il suit un vigneron, Étienne Davodeau accompagne
ici le journaliste de France Inter Benoît Collombat non plus cette fois pour
comprendre ses pratiques mais avec le projet d’illustrer son enquête sur
l’histoire du Service d’Action Civique, l’officine gaulliste plus connu sous le
nom de S.A.C.
Tous deux vont rencontrer les témoins et les
acteurs, journalistes, magistrats, avocats, policiers, élus, truands qui leur
en révèleront autant par leurs réponses que par leurs silences. Ils épluchent
également tous les dossiers déclassifiés, notamment ceux de la commission
d’enquête parlementaire de 1981.
Simple association créée en 1960 pour « défendre
l’action et la pensée du Général de Gaulle », le S.A.C. rassemble certains
anciens résistants qui prolongent leur « fraternité d’armes »
désormais légitimée à leurs yeux par la crainte du « péril rouge ».
Le pouvoir gaulliste utilise cette officine pour faire le sale boulot en
Algérie, contre le F.N.L. puis contre l’O.A.S. Les recrutements dans le grand
banditisme se font pour renforcer les rangs et assurer des financements. Le
S.A.C. intervient également sous forme de milices patronales, aux côtés du
syndicat C.F.T. pour briser les grèves, intimider, faire le coup de poing
contre les instigateurs des mouvements sociaux, de crainte d’un nouveau mai 68.
En 1981, après la tuerie d’Oriol, sa dissolution
devient inévitable.
Ne portant jamais d’accusation, les auteurs rendent
seulement compte de leur enquête. Ils soulèvent questions et contradictions,
relèvent les incohérences. Aussi certaines vérités apparaissent-elles à la
hauteur de l’acharnement déployé à les dissimuler.
Le gang des lyonnais a-t-il sévit, notamment en délestant
l’Hôtel des postes de Strasbourg de 11 millions de francs, pour alimenter les
caisses de l’U.D.R., ancêtre du R.P.R. et de l’U.M.P. ? Quels étaient les
liens entre ce gang et le S.A.C. ?
Le juge Renaud a-t-il était assassiné par le S.A.C. à cause des révélations qu'il s'apprêtait à livrer ? Un nom lieu a été prononcé sur le dossier
en 1992.
La mort du ministre du travail Robert Boulin en 1979
sera-t-elle un jour élucidée ? Si l’enquête qui a conclu sur un suicide, a
bien été réouverte en 1991, elle a elle aussi débouché sur un non lieu avec toutefois
cette réserve « sauf à retenir comme certaine l’existence d’un vaste
complot » !
Ces révélations d’implication au plus haut niveau qui
menacent depuis si longtemps d’exploser comme des bombes, auront bien laissé
quelques cadavres mais les véritables responsables ne semblent pas avoir trop
de soucis à se faire.
Lecture totalement passionnante. Si l’on se souvient
par bribes de quelques évènements, leur récit détaillé est absolument glaçant. On
comprend combien au nom d’une certaine vision de la raison d’État, le
fonctionnement démocratique de nos institutions peut subir de transgressions.
Ces pages de notre histoire doivent être diffusées largement pour mettre en
lumière ce que les auteurs appellent les années de plomb françaises.
CHER PAYS DE NOTRE ENFANCE
Enquête sur les années de plomb de la Ve
République
Étienne Davodeau et Benoît Collombat
230 pages – 24 euros.
Éditions Futuropolis – Paris – octobre 2015
Les chapitres 1 et 2 sont parus précédemment dans
les numéros 5 et 7 de La Revue Dessinée.
D'Étienne Davodeau :
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