Adapté des ouvrages de Maurice Rajsfus pour la scène, ce bref texte raconte, avec la précision d’un historien, l’Occupation, jusqu’aux journées de juillet 1942 au cours desquelles il fut arrêté par la police française, avec sa soeur et ses parents, conduit au Vélodrome d’Hiver. « Se souvenir, ce n’est pas cultiver la haine comme on le ferait avec un ennemi héréditaire. C’est surtout marquer un jalon de l’histoire et chercher à comprendre pourquoi l’homme est capable d’exactions telles que l’imagination est insuffisante pour les concevoir. »
En juillet 1942, Maurice Rajsfus vient de fêter ses quatorze ans et vit à Vincennes. Il raconte le serment de fidélité à Pétain, prêté par tous les fonctionnaires de police, après les militaires, les gendarmes et les magistrats, l’obligation de porter l’étoile jaune à partir du 8 juin et son « sentiment d’être transparent » ce jour-là, l’interdiction des lieux publics aux juifs ensuite, la mise en place de la logistique pour « la solution finale du problème juif ». « Il est déjà clairement établi que seule la police française passera à l’action dès que l’ordre lui en sera donné. » Il est décidé que la rafle débutera la 16 juillet 1942 à 3 heures du matin. L’opération s’appellera : « OPÉRATION VENT PRINTANIER ». Un fichier recensant 27 388 juifs qui ne sont pas de nationalité française pour Paris et la banlieue a été constitué.
« Nous ne savions pas que c’était la police française que nous devions craindre.
Nous ignorions que cette institution irait au-devant des revendications des nazis.
Comment pouvions-nous envisager que les chefs de la police française allaient suggérer à la Gestapo, non seulement l’arrestation des femmes, mais également celle des enfants.
Hypothèse invraisemblable.
Complices forcenés des bourreaux, les responsables de la police française estimaient qu’il ne devait pas rester de traces de leurs méfaits.
Il ne fallait pas de survivants pour se souvenir des exactions commises en France par des Français.
Les enfants ne devaient pas pouvoir témoigner sur l’assassinat de leurs parents.
Au four, les enfants ! »
Si la plupart des policiers français vont « se livrer à la chasse aux juifs étrangers », à une répression raciale que la Gestapo n’était pas en mesure de mener, « faute d’effectifs suffisants et de connaissance du terrain », quelques uns, trop rares, dans un geste courageux et dangereux, vont prévenir de futures victimes.
Maurice Rajsfus raconte l’arrestation de sa famille encore endormie, leur détention dans la fournaise du Vel d’Hiv, sans eau, pendant ces journées caniculaires. Lui parviendra à s’échapper, avec sa soeur. C’est pour cela qu’il peut témoigner « contre cette institution policière qui n’a jamais reculé devant l’ignominie. Ces hommes ont été des assassins au même titre que les tortionnaires nazis, au même titre ils sont coupables de crimes contre l’humanité. » « Tant que l’administration policière n’aura pas exprimé ses regrets pour la rafle du 16 juillet 1942, nous pourrons déduire de ce refus de dénoncer le passé, que cette action n’était pas vraiment répréhensible. » Tout est dit.
Cette adaptation de ses textes respecte un savant équilibre entre ses souvenirs personnels et les informations issues de son enquête historique, qui contribuent à l'élaboration d'une nécessaire généalogie de la police française.
LA RAFLE DU VEL D’HIV
D’après les livres de Maurice Rajsfus, adaptation théâtrale de Philippe Ogouz
66 pages – 7,50 euros
Éditions Le Cherche midi – Paris – Septembre 2003
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