26 décembre 2020

VAGABONDS DE LA VIE - Autobiographie d’un hobo

Ce récit de Jim Tully, « descendant de conteurs irlandais », s’inscrit dans la lignée de la littérature vagabonde américaine. Il y raconte « dans la langue de la route », avec une verve imprégnée d’argot, ses souvenirs de hobo, de travailleur saisonnier qui « brula le dur » six ans durant et rencontra les trimardeurs les plus infréquentables, voyagea clandestinement sur ou sous les trains postaux et les convois de marchandises, bivouaqua dans les « jungles », mendia et se frotta aux policiers. « Il y a beaucoup à apprendre sur la route et plus encore à endurer. »

Il dépeint autant les souvent rudes conditions de survie qu’il du subir et les périlleuses expériences qui l’éprouvèrent, que ses truculentes et pathétiques rencontres, les hommes de la route et les prostituées qu’il côtoya, « des épaves humaines aux mains tremblantes, des poules mouillées qui préféraient gémir plutôt que d’affronter la vie, des dégénérés et des pervers, sales et pouilleux, des camés qui s’injectaient de l’eau dans les veines pour atténuer les douleurs causées par leur folle recherche d’un paradis terrestre ». « Ces hommes étaient des pauvres diables, des petits escrocs en loques. Mais à la manière des stoïques, ils enduraient leur sort avec le sourire. Ils prenaient ce que la vie ou les éléments leur donnaient. Ils se battaient, ils buvaient, ils mendiaient, ils volaient, mais jamais ne se plaignaient. Que cela soit mis à leur crédit jusqu’à la fin des temps. » Il assista au lynchage d’un noir, participa à un « tribunal fantoche » en prison, à un bourrage d’urnes et trouva toujours le loisir de lire des livres volés en bibliothèque. « Parfois je maudissais la bougeotte qui me tenait sous son emprise. D’un autre côté, je la bénissais car elle me donnait une liberté que je n’aurais pas même pu imaginer si j’avais été forcé de travailler dans une usine. »
Il consacre un ultime chapitre à ses réflexions sur la condition humaine. « Il y aurait moins de monde dans les pénitenciers si nous pouvions éliminer la convoitise de notre système social. » Il ne prétend toutefois en déduire aucune généralité : « Je ne suis pas un réformateur, seulement un écrivain fatigué qui vit dans le souvenir de l’aventure. »
« Tout le baratin philosophique écrit sur les vagabonds devrait être pris à la légère. Les improductifs d’une nation sont aussi des clochards à leur manière. La mondaine jacasseuse, le boursicoteur obèse, le pasteur dans son église à la mode sont tous des cloches qui disposent d’un lit, d’une salle de bains et d’une sécurité matérielle que les hommes tentent par tous les moyens d’obtenir.
En réalité, le vagabond est tout simplement un parasite rejeté par la société.
 »

Un témoignage « dans son jus » de Jim Tully qui nous rappelle, avec cette succession de tableaux touchants, que tout cela n’est pas seulement littérature : « Nous étions des gitans trempés de la vie, demandant peu, obtenant moins que ce que nous demandions, et méritant encore moins que ce que nous obtenions. » Il deviendra, plus tard, conseillé pour Charlie Chaplin pendant le tournage de La Ruée vue l’or.


VAGABONDS DE LA VIE
Autobiographie d’un hobo
Jim Tully
Traduction de l’anglais (États-Unis) et préface de Thierry Beauchamp
290 pages – 18 euros.
Éditions du Sonneur – Paris – Mai 2016
Titre original : Beggars of Life. Autobiography oh Hobo. (1924)
www.editionsdusonneur.com/livre/vagabonds-de-la-vie-autobiographie-dun-hobo


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