15 novembre 2016

LA PROCHAINE FOIS LE FEU


James Baldwin adresse à son neveu cette lettre qui demeure, aujourd’hui encore, un manifeste vigoureux destiné à tous les Noirs américains.

Il lui raconte comment à 14 ans, il traversa une crise religieuse profonde. Pendant longtemps, les Blancs considéraient que les Noirs leurs dérobaient des babioles en pensant se faire justice, ce qui calmait leur éventuel sentiment de culpabilité et renforçait leur croyance en leur supériorité. Refusant de rompre les barrières morales, de suivre la plupart des jeunes de son âge dans la déchéance de l’alcool, du crime, de la prostitution, James Baldwin trouve le réconfort de la religion et devient jeune prédicateur. Quelques années plus tard, ne pouvant plus supporter ce rôle qu’il considère désormais comme une imposture, il abandonne. Le Paradis qu’il promet aux Noirs serait-il un autre ghetto ? Pourquoi doit-il les convaincre de se résigner et d’accepter leur condition ? Comment un Dieu peut-il être réservé à une communauté (noire ou blanche), en contradiction avec l’amour universel proclamé par les textes ? Il comprend aussi le rôle historique de la chrétienté en lien avec le pouvoir historique, par sa justification des conquêtes notamment.  Quand l’homme blanc est arrivé en Afrique il avait la Bible et l’Africain la terre. Maintenant l’Africain est encore en train de digérer ou de vomir la Bible.
Vingt ans après, il est approché par le mouvement de la Nation d’Islam qui revendique une économie noire autonome en Amérique. Même s’il n’adhérera pas aux discours vengeurs qui voudraient remplacer la suprématie des blancs par celle des noirs, il est intrigué par la crainte qu’ils inspirent y compris à la police et l’étrange pouvoir de consolation qu’ils semblent diffuser chez les auditeurs. Ils prêchent la faillite morale de la chrétienté et des blancs, leur supposée supériorité réduite à néant par l’existence du IIIe Reich et tous ses crimes. James Baldwin ne rejoindra pas le mouvement, convaincu que toute glorification d’une race et le dénigrement corollaire d’une autres, seront toujours des recettes de meurtre.

Il lui importe tout autant que les Noirs américains conquièrent leur liberté, que leur dignité et leur « santé spirituelle ». Descendant d’esclaves dans un pays de protestants blancs, qui furent volé et vendus comme des animaux, cent ans après son émancipation technique, il conclut qu’il n’y aura pas de transformation véritable de la situation des Noirs sans bouleversement radical des structures sociales et politiques. S’il croit que les Noirs n’accéderont sans doute jamais au pouvoir, ils sont cependant en position de sonner le glas du grand rêve américain. Il ne rêve pas d’accéder à la civilisation américaine qui n’est, selon lui, qu’un mythe. Humainement, personnellement la couleur n’existe pas. Politiquement elle existe. S’il a le sentiment de demander l’impossible, c’est bien le moins qu’il puisse exiger. Il veut encore croire, une ultime fois, en une résolution pacifique par une prise de conscience générale de ces évidences mais sait déjà qu’il ne restera ensuite plus comme solution que le feu.

C’est  son examen de conscience que nous confie James Baldwin, par un retour sur ses engagements, convictions et prises de positions successives. C’est aussi un inventaire des différentes opinions et stratégies existant aux États-Unis dans la lutte pour la cause des noirs.
 Ce texte conserve aujourd’hui encore, même si les États-Unis ont connu un président noir, son importance politique capitale.





LA PROCHAINE FOIS LE FEU

James Baldwin
Traduit de l’anglais par Michel Sciama
Préface d’Albert Memmi
134 pages – 13,15 euros.
Éditions Gallimard – Paris – octobre 1963
144 pages – 8,20 euros.
Éditions Gallimard – Collection Folio – Paris – juin 1996
 
 
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